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Adoption de la proposition de loi portant création, organisation et fonctionnement des ONG en République Gabonaise à l’assemblée Nationale de la Transition.

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Le 16 mai dernier, l’Assemblée Nationale de la Transition a adopté en première lecture la proposition de loi portant création, organisation et fonctionnement des Organisations Non Gouvernementales (ONG) en République Gabonaise.

Cette initiative, présentée par Monsieur Geoffroy FOUMBOULA LIBEKA MAKOSSO, Député de la Transition, marque une étape importante dans la structuration juridique du secteur des ONG. Elle vise notamment à distinguer clairement les ONG des associations traditionnelles, en reconnaissant leurs spécificités et en leur offrant un cadre légal autonome adapté aux réalités contemporaines.

Un contexte de modernisation nécessaire : distinguer ONG et associations traditionnelles

Le rapport de la commission des lois aborde plusieurs points majeurs, dont :

  • La différenciation précise entre ONG et associations ;
  • La nécessité d’une commission interministérielle chargée d’examiner les demandes d’agrément des ONG, avec une tutelle confiée au Ministère des Affaires Sociales, même si plusieurs ONG interviennent dans d’autres secteurs ;
  • L’organisation et la composition de cette commission, avec des propositions de commissions ponctuelles à l’instar de celles prévues pour les PME ;
  • Et enfin, la budgétisation des travaux de ces commissions.

En effet, la société civile gabonaise, en particulier les ONG, sont jusqu’à présent soumises à la loi 35/62 du 10 décembre 1962 relative aux associations, un texte ancien, non adapté aux spécificités des ONG. En initiant cette proposition, le but est de mettre en place un régime juridique autonome, fondé sur les réalités contemporaines du secteur.

Définir clairement les ONG : champ d’action et missions reconnues

L’article 1er de la proposition de loi indique que :

« La présente loi fixe les règles de création, d’organisation, de fonctionnement, de contrôle et de dissolution des Organisations Non Gouvernementales en abrégé ONG, exerçant sur le territoire de la République Gabonaise. »

L’article 2 précise la définition des ONG :

« Toute personne morale de droit privé à but non lucratif, indépendante de l’État, ayant pour objet principal la promotion de l’intérêt général dans les domaines tels que les droits humains, l’environnement, la santé, l’éducation, le développement communautaire et tout autre domaine d’utilité publique. »

Cette distinction vise à différencier les ONG des associations classiques en définissant clairement leur champ d’action, leur rôle d’utilité publique et une intervention strictement non partisane.

Reconnaissance des ONG : un régime déclaratif simplifié et innovant

La proposition de loi précise, à travers ses articles 5 et 6, un régime déclaratif préalable à la reconnaissance d’une ONG.

Selon l’article 5 :

« Une ONG est constituée par au moins sept (07) personnes physiques et/ou morales sous réserve de la satisfaction des conditions suivantes :

Pour les personnes physiques, quelle que soit leur nationalité, elles doivent résider légalement en République Gabonaise ;

Pour les personnes morales :

  • Être de droit gabonais ;
  • Avoir comme représentant légal une personne physique résidant en République Gabonaise. »

Formalités d’enregistrement : exigences et mécanisme du silence valant acceptation

L’article 6 détaille les formalités nécessaires à la reconnaissance de l’ONG. Celle-ci doit faire l’objet d’un dépôt de déclaration auprès du ministre en charge de l’Intérieur, accompagné de plusieurs pièces justificatives, notamment :

  • La liste des membres actifs signée par les personnes chargées de la direction,
  • Les projets de statuts,
  • Un procès-verbal de l’instance constitutive avec identité complète des membres dirigeants,
  • Les extraits de casier judiciaire,
  • Une déclaration des ressources prévues, à renouveler chaque année.

Le récépissé de reconnaissance légale doit être délivré dans un délai de trois (3) mois. En cas de non-réponse dans ce délai, l’ONG est réputée enregistrée. Pour les ONG ayant leur siège en province, ce sont les autorités administratives locales qui sont compétentes pour délivrer les récépissés provisoires et définitifs.

Ce mécanisme de « silence valant acceptation » est une innovation notable, censée lutter contre les lenteurs administratives.

Des organes de gouvernance obligatoires pour un fonctionnement structuré

La proposition de loi impose aux ONG une architecture institutionnelle minimale. Ainsi, chaque ONG devra se doter de trois organes clés : une Assemblée générale, un Conseil d’administration et un Bureau exécutif. Leurs rôles respectifs, tout comme leur mode de fonctionnement, seront précisés dans les statuts et le règlement intérieur de chaque organisation. Une manière d’encadrer la gouvernance interne et de garantir un minimum de transparence et de cohérence décisionnelle.

Gestion financière : ressources diversifiées et contrôle rigoureux

La proposition consacre la possibilité pour les ONG de recevoir des ressources diverses :

« Les ressources d’une ONG sont constituées par l’ensemble des moyens humains, matériels, techniques et financiers nécessaires à la réalisation de ses objectifs. »

Elles peuvent provenir des cotisations de leurs membres, des subventions de l’État ou des collectivités locales, des dons et legs, ainsi que de partenariats nationaux et internationaux.

Mais ces avantages sont conditionnés à une gestion rigoureuse, avec notamment l’obligation de déposer auprès de l’autorité de tutelle un programme d’investissement pour examen et approbation (Article 13), comportant :

  • Une description des projets à exécuter,
  • Les objectifs visés,
  • Le volume d’investissement,
  • Le calendrier d’exécution,
  • Les moyens matériels et humains nécessaires.

Collaboration avec l’État : reconnaissance d’utilité publique et accompagnement

La proposition institue un cadre formel de collaboration entre les ONG et l’État. L’État peut associer les ONG à la conception et à la mise en œuvre de ses politiques de développement aux niveaux local, provincial et national.

Les ONG étrangères doivent obtenir un accord de siège auprès du Ministère des Affaires Étrangères, délivré après avis d’un comité interministériel. Toute ONG reconnue légalement signe un accord-cadre avec le Ministère de l’Intérieur et peut conclure des protocoles d’entente avec d’autres autorités administratives dans le cadre de programmes d’action.

Pour être reconnue d’utilité publique, une ONG doit, sauf dérogation spéciale :

  • Avoir fonctionné au moins trois ans,
  • Poursuivre une mission d’intérêt général,
  • Bénéficier d’un rayonnement national,
  • Assurer une gestion transparente,
  • Justifier d’un patrimoine suffisant.

Cette reconnaissance est accordée par décret en Conseil des Ministres, sur proposition du Ministre de l’Intérieur.

Les ONG reconnues bénéficient d’avantages comme des subventions publiques, des appuis techniques, ainsi que l’exonération de certains droits et taxes. En contrepartie, elles sont soumises à un contrôle strict, notamment quand elles reçoivent des fonds publics, et toute entrave à ce contrôle peut entraîner la suspension des subventions.

Transparence et responsabilité : un suivi renforcé des activités des ONG

Pour assurer le respect des engagements, chaque ONG doit tenir une comptabilité régulière et soumettre un rapport financier annuel au ministère de tutelle.

Le Ministère de l’Intérieur, au niveau national comme local, supervise la bonne exécution des projets, pouvant constituer des comités de suivi. Il peut aussi visiter les locaux des ONG après un préavis d’une semaine pour vérifier la conformité aux lois.

Enfin, les services des Finances contrôlent l’usage des matériels exonérés fiscalement.

Ce dispositif vise à renforcer la confiance entre ONG, État et citoyens par une gestion transparente et responsable.

Dialogue institutionnel : création d’une commission de concertation entre gouvernement et ONG

La proposition crée une commission de concertation entre le gouvernement et les ONG, présidée par le Secrétaire Général de la Présidence de la République, et comprenant des représentants de la Vice-Présidence du Gouvernement et d’autres acteurs clés. Elle favorise un dialogue régulier et structuré.

Discipline et régulation : sanctions, retrait d’agrément et dissolution des ONG

Pour garantir le bon fonctionnement, plusieurs mesures disciplinaires sont prévues :

Le Ministre de Tutelle peut adresser un avertissement ou suspendre une ONG pour motifs justifiés autres que le retrait d’agrément.

Le retrait d’agrément peut intervenir en cas d’irrégularités graves, de déviation des activités par rapport aux objectifs statutaires, ou de violation flagrante de la loi.

La dissolution volontaire doit être décidée en Assemblée Générale conformément aux statuts.

Une dissolution forcée peut être prononcée par arrêté ministériel en cas de violation grave de la loi ou atteinte à l’ordre public, après mise en demeure restée sans effet.

Note importante : Cette proposition de loi, bien qu’adoptée en première lecture, n’a pas encore achevé son parcours législatif vu qu’elle doit encore passer par l’approbation du Senat de la Transition. Son contenu peut donc évoluer avant une adoption définitive.

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