« Si veut le roi, si veut la loi » est une doctrine ancienne du droit Français, qui admettait l’idée supposée qu’une loi accéderait au droit positif par la seule volonté de l’autorité publique. Dit autrement, on octroyait au roi un hypothétique et imaginaire pouvoir discrétionnaire afin de se substituer à la loi.
L’article 425 du nouveau Code Pénal adopté en Conseil de Ministre le 11 aout 2015 dernier, par le biais d’une ordonnance, revêt une spécificité qui flirt dangereusement avec cette doctrine au relent autoritariste.
Ce dernier dispose en effet que : « Quiconque sans droit ni titre, sans qualité à agir, a par quelque moyen que ce soit, remis en cause la filiation légitime, naturelle ou adoptive d’autrui, en dehors des cas où, le père légitime, a avant sa mort, engagé une action en désaveu de paternité, est puni d’un emprisonnement de 5 ans au plus, et d’une amende de dix millions de francs ou de l’une de ses deux peines seulement. Les poursuites ne peuvent être engagées que sur plainte de la personne lésée »
L’art législatif s’attache à un certains nombres de fondements. Principes desquels découle entres autres, la notion de « loi ». Il convient de s’avancer avec circonspection sur l’érection d’une telle loi, sur sa nature et sur la pertinence de celle-ci cependant amputée des préceptes qui la garantissent.
Sur l’atteinte aux caractères de la règle de droit
Tout juriste ne peut ignore le caractère générale, abstraite et impersonnelle de la règle de droit.
Précision. La règle de droit se doit d’être générale en ce sens qu’elle ne s’intéresse pas aux cas d’espèce. Elle ne saurait trancher en faveur d’un individu en particulier. Elle doit avoir vocation à s’appliquer de façon uniforme à l’ensemble des individus de la société.
En deuxième lieu, la loi est dite abstraire. L’abstrait s’oppose ici au concret. L’abstrait peu donc exprimer une idée, un concept. A l’inverse, le concret suppose l’expression d’une réalité déterminée. Une loi se doit d’être nécessairement abstraire, elle permet une application plus large. En le rendant trop précise, on oublierait inévitablement un cas ou une situation et faudrait, en conséquence, de cela, ajouter des nouvelles lois au cas par cas. Plus la loi est abstraire, plus elle aura vocation à s’appliquer sur une infinité de cas précis. Il convient donc au juge d’interpréter ces phrases abstraites à la lumière du contexte et au particularisme d’un cas concret.
Enfin, la loi est par essence impersonnelle. Elle ne s’attache pas à un individu en particulier mais à tous justiciables se trouvant dans une situation donnée.
On peut le dire sans ambages, cette loi fait à dessein tient curieusement en son sein la volonté d’enterrer et d’occulter toute critique sur le sempiternel débat relatif aux origines du président la République. En lui offrant cette connotation singulière et précise, par son adaptation au cas susmentionné, le Gouvernement par la plume de la Chancellerie altère les caractères de la règle de droit censée être mise en place par conviction et non par injonction.
Sur l’omission de la substance de l’article 42-1 du Code de la Nationalité
L’article 425 du nouveau Code Pénal émet une volonté de réprimer toute suspicion ou remise en cause, autour de « […] la filiation légitime, naturelle ou adoptive d’autrui […] ». Cela suppose ainsi ne faire aucun commentaire, aucune appréciation, sur la filiation d’une personne quand bien même celle-ci serait porteuse d’éléments nécessitant sa remise en cause. Dit autrement, dès l’instant qu’une personne quelle qu’elle soit, obtient la nationalité gabonaise, peu importe qu’elle ait été acquise frauduleusement ou pas, la remettre en cause, exposerait celui par qui l’initiative a été prise, à une peine de 5 ans et une amende de dix millions de francs.
Incompréhensible tant l’impertinence du gouvernement qui a pris cette ordonnance à l’aporie certaine est criarde. Incompréhensible, tant il est inimaginable que le législateur ait pu méconnaître la substance de l’’article 42-1 du Code de nationalité qui pourtant, consacre l’idée éventuelle d’une contestation de la filiation relative à individu.
En l’espèce, le Code de Nationalité dispose en son article 42 alinéa 1er que : « La charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui dont la nationalité est en cause ». En d’autres termes, la personne dont la nationalité est contestée est la seule habilitée à apporter la preuve de ce que sa filiation gabonaise ne souffrirait d’aucune irrégularité. Par analogie, l’article 425 s’oppose dans toutes ses dispositions à celui visé, car si on admet la présentation d’une preuve et la remise en cause d’une filiation dans le Code de Nationalité, il est totalement caduque et saugrenu d’ériger une peine, en cas de « remise en cause la filiation légitime, naturelle ou adoptive d’autrui ». Conscient de son intumescence, de son antinomie notoire au regard des caractères de la règle de droit, l’obstination du Gouvernement à l’imposer est révélatrice de l’esprit de celle-ci : Félonne et scélérate par essence. Quid d’une violation de l’article 10 de la constitution ?
Sur l’inconstitutionnalité de l’article 425 du Code pénal nouveau :
L’alinéa 3 de l’article 10 de la Constitution restreint l’éligibilité concernant les personnes ayant acquis la nationalité gabonaise en ces termes : « Toute personne ayant acquis la nationalité gabonaise ne peut se présenter comme candidat à la Présidence de la République […] ». Cette mesure qui paraît particulièrement restrictive mais qui s’explique par le fait que le Gabon est un Etat dont la population est une des plus faibles au monde avec en sus de forts flux migratoires. Le constituant en érigeant cet alinéa voulait s’assurer du sentiment d’appartenance à la Nation gabonaise des prétendants à la magistrature suprême.
Eu égard à ce qui précède, on s’aperçoit que la constitution elle-même tant à protéger la nationalité gabonaise. D’ailleurs dans le prolongement de cet article, en application des dispositions de l’article 47 de la Constitution le Gabon s’est doté à travers la Loi 37/1998, d’un Code de la nationalité. Lequel consacre à l’article 42-1 susmentionné une exception en matière de la charge de la preuve qui incombe ici à celui dont la nationalité est contestée.
Comment la contestation de la nationalité peut-être consacrée au civil et au pénal la contestation la filiation exposerait à de sanctions ?
En définitive, la loi n’est pleinement légitime que si elle est l’expression de la volonté générale, encore faudrait-il qu’elle respecte les principes supérieurs posés par la constitution. Qui d’ailleurs prévoit le contrôle de constitutionnalité des lois ayant pour objet, de faire respecter la hiérarchie des normes, dont l’ordonnancement fondateur de l’Etat de droit.