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L’administration publique Gabonaise, à l’instar de toute autre administration dans le monde, a besoin du personnel pour mener à bien son action. Cette action se manifeste à travers les activités et les missions exercées dans l’intérêt général par les agents publics.

La notion d’agent public a connu en droit comparé une évolution jurisprudentielle considérable. En effet, dans un premier temps, en 1969, la Cour d’Appel Administrative de Monaco avait dans l’affaire qui opposait le Trésorier Général des Finances à Monsieur C, jugé en ces termes que « considérant que la participation directe de ce cocontractant à l’exécution du service public suffit à conférer un caractère administratif au contrat intervenu entre l’État et un particulier» 1. Ainsi, avait la qualité d’agent public, le personnel qui participait directement à l’exécution du service public.

Cette conception a été abandonnée à partir de 1996 avec l’affaire Berkani dans laquelle le juge avait considéré qu’une simple participation à l’exécution du service public suffisait à qualifier d’agent public, un employé non-statutaire travaillant pour le compte d’un service public administratif2.

Sur le plan doctrinal, Nikolas Kada partage la position dominante de la majorité des auteurs qui définissent l’agent public comme étant « un agent employé par une personne publique, soumis à un régime de droit public, et dont l’activité s’inscrit dans le cadre de la satisfaction de l’intérêt général »3. Cette définition met en évidence le critère organique (personne publique) et le critère matériel (nature de l’activité c’est-à-dire une activité visant à satisfaire l’intérêt général).

Sur le plan légal, ont la qualité d’agent public au sens combiné des dispositions des articles 2 et 7 de la loi n°1/2005 du 4 février 2005 portant Statut Général de la Fonction Publique « les personnes recrutées pour exercer une ou plusieurs activités d’intérêt général, soumis à un régime de droit public, mais aussi les agents de certains organismes publics personnalisés ainsi que les agents occupant certains emplois, concourent au fonctionnement des services publics et qui sont soumis à un régime qui leur sont propre ».

Ainsi, est considéré comme agent public, toute personne employée par une personne publique et affectée à un service public pour la satisfaction de l’intérêt général, quelles que soient la nature de son emploi et les conditions de son engagement.

L’agent public met son savoir au service de l’Administration tout au long de sa carrière, pour rétribuer ses années d’activité, le législateur Gabonais a jugé juste de lui verser une indemnité de services rendus après cessation de son activité.

L’indemnité de services rendus est donc une somme d’argent versée à tous les agents publics pour rétribuer leurs loyaux services au sein de l’administration lorsque ces derniers cessent définitivement leur activité.

À l’origine, seuls les travailleurs du secteur privé bénéficiaient de l’indemnité de services rendus. Elle était instituée après l’indépendance du Gabon par les articles 44 et 45 de la loi n°5/78 du 1er juin 1978 portant adoption du Code du Travail de la République Gabonaise4 et par les différents Codes du Travail qui sont entrés en vigueur les années suivantes5.

Cette indemnité avait par la suite été étendue au bénéfice exclusif des agents publics contractuels de l’État. Elle résultait notamment des dispositions de l’article 70 de la loi n° 3/88 du 31 juillet 1990 fixant les Conditions Générales d’Emploi des Agents Contractuels de l’État.

Ladite indemnité ne profitait pas aux fonctionnaires régis par la loi n°8/91 du 26 septembre 1991 portant Statut Général des Fonctionnaires. Il fallait attendre plusieurs années après, notamment en 2005, pour voir un changement notable dans l’esprit du législateur qui, dans le souci d’équité et d’égalité de tous les travailleurs du secteur public, avait cette fois ci, étendu le bénéfice de cette indemnité à tous les agents publics qu’ils soient permanents et non- permanents.

C’est ainsi qu’était entrée en vigueur l’article 86 de la loi n°1/2005 du 4 février 2005 portant Statut Général de la Fonction Publique qui dispose qu’« En cas de cessation définitive d’activité (…) tout agent public a droit à une indemnité de services rendus ».

Contre tout attente, le 23 février 2024, la porte-parole du gouvernement rendait public le communiqué final du Conseil des Ministres en précisant que l’article 86 sera modifié et l’indemnité de services rendus sera remplacée par le « bonus de cessation définitive d’activité ».

Ce bonus était prévu à l’article 86 nouveau de l’ordonnance n°0009/PR/2024 du 21 mars 2024 portant modification de certaines dispositions de la loi n°001/2005 du 4 février 2005 portant Statut Général de la Fonction Publique.

Toutefois, cette ordonnance n’a pas été ratifiée par le parlement, devenant ainsi caduque conformément aux dispositions de l’article 99 alinéa 4 de la loi référendaire n° 002- R/2024 du 19 décembre 2024 portant Constitution de la République Gabonaise.

Ainsi, en l’absence de loi de ratification c’est l’indemnité de services rendus qui reste à ce jour due aux agents publics après cessation définitive de leur activité.

Une attention particulière est axée sur ce sujet, car contrairement aux travailleurs du secteur privé, l’allocation de l’indemnité de services rendus aux agents publics n’est pas un long fleuve tranquille et ne semble pas trouver une piste de solution.

Depuis plusieurs années à ce jour, le paiement de cette indemnité est source de contentieux et obéit à certaines règles prévues par le droit positif Gabonais.

Quelles sont alors les conditions qui permettent aux agents publics de bénéficier de l’indemnité de services rendus ? Quels sont les acteurs intervenants dans processus de règlement de cette indemnité ? Comment parvenir à régler définitivement ce droit dû aux agents publics ?

Autant de questions qui méritent d’être analysées en se référant au droit positif Gabonais, notamment à la législation en vigueur, à la jurisprudence, et aux pratiques courantes dans l’administration active.

Pour traiter cette thématique, nous verrons d’une part, les conditions permettant aux agents publics de bénéficier de l’indemnité de services rendus (I) et d’autre part, le contentieux de cette indemnité (II).

I/ Les conditions permettant à un agent public de bénéficier de l’indemnité de services rendus

 L’indemnité de services rendus est due lorsque certaines conditions cumulatives sont réunies. Ces conditions qui sont prévues à l’article 86 de la loi n°1/2005 du 4 février 2005 portant Statut Général de la Fonction Publique concernent le statut de l’agent public d’une part (A) et son activité d’autre part (B).

A / Les conditions relatives au statut de l’agent public

Pour bénéficier de l’indemnité de services rendus, l’agent public doit se trouver dans l’une des positions statutaires de la Fonction Publique (1) et éviter d’être frappé de prescription (2).

1- Être dans une position statutaire et réglementaire ou précaire et révocable

Pour prétendre à ladite indemnité, l’agent public doit être, dans une position statutaire et règlementaire ou dans une position précaire et révocable. Il doit donc nécessairement avoir soit le statut d’agent public permanent (a) soit celui d’agent public non-permanent (b).

a) Être agent public permanent

La notion d’agent public permanent est définie à l’article 10 de la loi n°1/2005. Aux termes de cet article « ont la qualité d’agent public permanent, les personnes titularisées nommées à un emploi dans un service public pour assurer une tâche relevant d’une mission de service public ». Il s’agit :

  • des fonctionnaires civils de l’État, de la fonction publique parlementaire, de la fonction publique hospitalière, de la fonction publique de l’éducation et de la fonction publique locale ;
  • des magistrats ;
  • des greffiers ;
  • des militaires des forces de défense ;
  • des agents de forces de sécurité ;
  • des agents de l’administration pénitentiaire ;
  • des agents de services publics en concession ;
  • les agents permanents des établissements publics personnalisés.

Tous ces agents publics permanents ont en raison de leur statut droit à l’indemnité de services rendus sur le fondement de l’article 86 susvisé.

b) Etre agent public non-permanent

Les agents publics non-permanents ne sont pas titularisés, ils sont dans une situation précaire et révocable. Cette catégorie d’agents s’est multipliée au sein de l’administration centrale, territoriale et hospitalière. Les conditions de leur recrutement sont plus souples et permettent de répondre rapidement à des besoins spécifiques.

À l’intérieur de cet ensemble, on distingue les agents publics non-statutaires de droit public6 et les agents publics non-statutaires de droit privé7.

Sur le plan légal, au sens de l’article 12 de la loi n°1/2005, l’agent public non-permanent est celui qui est recruté par l’État en vertu d’un contrat, à temps complet ou à temps partiel, aux fins exclusives pour :

  • répondre à des besoins exceptionnels et temporaires en personnel pour la mise en œuvre d’actions limitées dans le temps;
  • remplacer un agent public permanent momentanément indisponible;
  • occuper un emploi vacant qui n’a pu être pourvu par manque soit d’agent permanent disponible, soit de corps de fonctionnaires susceptibles d’assurer les fonctions correspondant à cet emploi ;
  • accomplir des tâches spécifiques à certains emplois ou catégories d’emplois dont la liste est fixée par décret pris en Conseil des Ministres.

Sont donc considérés comme agents publics non-permanents :

  • Les agents contractuels de l’Etat proprement dit

Il s’agit des agents publics-non statutaires de droit public qui ont signé un contrat d’engagement avec l’État Gabonais pour l’exécution d’une mission de service public dans l’Administration. En tant qu’agents publics, ils sont soumis aux lois n°3/88 du 31 juillet 1990 et n°1/2005 susvisées. Dans cette dernière loi, le législateur a consacré plus de 30 articles à cette catégorie d’agents, ce qui traduit sa volonté de faire appliquer ce régime de droit commun à tous les agents publics.

Les agents publics contractuels bénéficient de l’indemnité de services rendus sur le fondement de l’article 172 alinéa 2 de la loi n°1/2005 précitée.

Cet article précise qu’« À la cessation définitive des fonctions, l’agent public contractuel a droit, conformément à la réglementation en vigueur, à une indemnité de services rendus, sauf en cas de résiliation du contrat ».

Depuis l’entrée en vigueur de la loi n°1/2005, les agents publics contractuels sous statut de nationalité Gabonaise ont été reversés dans la Fonction Publique 8. Toutefois en pratique, on peut encore en retrouver dans certaines administrations, c’est notamment le cas des agents contractuels qui ont une certaine expérience et qui sont spécialisés dans un domaine précis.

  • Les agents de la main d’œuvre non-permanente

Le statut des agents de la main d’œuvre non-permanente n’est défini par aucune disposition légale ou réglementaire. La circulaire n° 40/MFEBP/CABME/SG/DGB du 8 janvier 2007 relative à la gestion des crédits de la main-d’œuvre de l’État est aussi silencieuse sur la question du statut de cette catégorie d’agents. Pour régler la difficulté causée par ce vide juridique, il faut se référer à la jurisprudence Française et Gabonaise.

Dans la décision du Tribunal des Conflits Français concernant l’affaire Berkani, la question soumise au juge était celle relative à la nature du contrat et au statut de Monsieur Berkani qui était employé par le CROUS de Lyon Saint-Exupéry en qualité d’aide de cuisine avant d’être licencié.

Le Tribunal des conflits jugera en ces termes que « les personnels non statutaires travaillant pour le compte d’un service public administratif sont des agents contractuels de droit public, peu importe leur emploi »9. De fait, Monsieur Berkani ayant travaillé pour un organisme gérant un service public à caractère administratif, le litige qui l’opposait au CROUS relève de la seule compétence des juridictions administratives.

Le juge administratif Gabonais quant à lui s’est prononcé dans un jugement du 25 novembre 2020. En l’espèce, le litige soumis à l’arbitrage du juge opposait un gardien de sécurité lié par un contrat de travail avec la Direction Provinciale des Travaux Publics de l’Ogooué-Ivindo.

Dans sa motivation, le juge saisi a estimé en ces termes que : « des pièces versées au dossier, il est constant que le requérant étant gardien à la Direction Provinciale des Travaux Publics de l’Ogooué-Ivindo, donc agent de droit privé, relevant de la main-d’œuvre non permanente et soumis à la compétence du Tribunal de Première Instance de Makokou »10.En considérant ces deux décisions, on peut déduire que les agents de la main d’œuvre non-permanente sont des agents publics non-statutaires c’est à dire soumis à un régime de droit privé et relevant de la compétence du juge judiciaire. Il s’agit donc d’une catégorie d’agent public soumis par exception à un régime dérogatoire de droit privé.

Cette position est d’ailleurs celle retenue par Mme Isabelle SODJI KOUMBA qui soutient que les agents de la main d’œuvre non-permanente sont des agents publics car « toute personne employée dans une administration publique et exerçant une activité d’intérêt général quel que soit son métier ou son régime, peut être considérée comme agent public, tout en n’étant pas statutaire »11.

Ces agents sont donc des agents publics non-permanents qui sont dans une relation contractuelle avec l’État pour exercer certains emplois subalternes12dans l’administration. À la différence de la première catégorie d’agents contractuels, leur contrat prend la forme d’une décision ministérielle ou d’une lettre d’engagement et ils sont régis par les dispositions du Code du Travail et du Code de Sécurité Sociale.

À l’état actuel de la législation, ces agents de la main d’œuvre non-permanente bénéficient de l’indemnité de services rendus sur le fondement des dispositions des articles 88 à 90 du Code du Travail 2021.

2- Éviter d’être frappé de prescription

Pour Maître Anthony BEM, avocat au Barreau de Paris, on parle de « la prescription acquisitive quand l’écoulement du délai permet d’acquérir un droit et de prescription extinctive quand l’écoulement du délai fait perdre un droit ou interdit un recours ou une poursuite »13.

Ce juriste fait la distinction entre la prescription et la forclusion en soutenant que « la différence majeure entre la prescription et la forclusion est que le délai de prescription est susceptible d’interruption ou de suspension ce qui n’est pas le cas des délais de forclusion »14.

Ainsi, la prescription serait donc la durée au-delà de laquelle la revendication d’un droit n’est plus recevable. En matière d’indemnité de services rendus, c’est la période au-delà de laquelle ladite indemnité ne peut plus être revendiquée.

Le terme prescription est plus adapté à la règlementation Gabonaise, car les dispositions de l’article 98 du décret n°0094/PR/MBCP du 8 février 2016 portant Règlement Général sur la Comptabilité Publique précisent que « sont prescrites au profit de l’État, toutes créances qui n’ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ».

Toutefois, l’alinéa 2 de l’article 98 suscité précise que la réclamation adressée à l’État avant l’expiration du délai de quatre (4) ans ou à la suite d’une action en justice initiée par l’agent public interrompt le cours de la prescription15.

Ainsi, pour éviter d’être sous le coup de la prescription et perdre son droit à l’indemnité, l’agent public doit impérativement initier sa demande devant le Conseil d’État dans un délai de quatre (4) ans après sa cessation définitive d’activité.

B/ Les conditions relatives à la cessation définitive d’activité

En dehors des conditions statutaires précédemment évoquées, l’agent public doit par ailleurs se trouver en situation de cessation définitive d’activité. Malheureusement par ignorance ou par méconnaissance de la législation, la majorité des agents publics pensent à tort que l’indemnité de services rendus n’est due seulement qu’après leur mise à la retraite.

Or, en réalité, la mise à la retraite n’est pas le seul cas de cessation définitive d’activé. En effet, il résulte des dispositions de l’article 148 de la loi n°1/2005 que cette cessation peut intervenir dans plusieurs hypothèses, notamment en cas de :

  • démission acceptée ;
  • départ négocié ;
  • suppression d’emplois;
  • départ en préretraite ;
  • mise à la retraite ;
  • dénonciation ou non renouvellement du contrat ;
  • décès.

Les agents qui se trouvent dans l’une de ces situations, peuvent demander le paiement de leur indemnité de services rendus. Dans tous les cas, la cessation définitive d’activité peut être volontaire (1) ou involontaire (2).

1- La cessation volontaire d’activité

L’agent public se trouve en cessation volontaire d’activité lorsqu’il rompt de son plein gré tout lien avec l’Administration. Cette rupture volontaire peut résulter de la démission (a), du départ négocié ou du départ en préretraite (b).

a) La démission

La démission est l’acte par lequel l’agent public, par acte sous-seing privé, marque sa volonté non équivoque de quitter la Fonction Publique.

Elle est encadrée par le décret n°0457/PR/MBCPFP du 19 avril 2013 règlementant la démission des agents publics permanents et par le Code du travail pour les agents publics non- permanente.

La démission d’un agent public, qu’elle qu’en soit la forme, rend celle-ci irrévocable. Elle doit être acceptée et matérialisée par un arrêté du Premier Ministre. Les agents publics permanents démissionnaires ont droit à l’indemnité de services rendus.

Pour ce qui est des agents publics non-permanent régis par le Code du Travail, ils bénéficient de l’indemnité de services rendus en cas de démission, lorsqu’ils cumulent deux ans d’ancienneté 16.

b) Le départ négocié ou départ en préretraite

Le départ négocié est une rupture d’accord partie entre l’Administration et l’agent public. En effet, il s’agit d’une cessation amiable dont les modalités de rupture sont fixées d’un commun accord.

Le départ en préretraite est un dispositif qui permet à un agent public, sous certaines conditions, de cesser toute activité professionnelle avant l’âge légale de départ à la retraite.

C’est notamment le cas lorsque l’agent est atteint d’une maladie physique ou mentale incurable qui l’empêche d’exercer continuellement son service.

En cas de départ négocié ou en préretraite, l’agent public a droit à l’indemnité de services rendus.

2- La cessation involontaire d’activité

L’agent public est en cessation involontaire d’activité lorsque cette cessation n’est pas de son fait mais à l’initiative de l’Administration. Il en est ainsi en cas de mise à la retraite (a), suppression d’emplois (b), décès et non renouvellement ou dénonciation du contrat (c).

a) La mise à la retraite

La mise à la retraite renvoie à l’acte par lequel l’Administration met fin à tout lien qui existe entre elle et l’agent public pour cause de limite d’âge. Sous réserve des dispositions prévues par les différents statuts particuliers, l’âge limite de mise à la retraite des agents civils de l’État est désormais fixé à soixante-deux (62) ans depuis la réforme de l’article 149 de la loi n°1/2005 intervenue par ordonnance n°0003/PR/2024 du 08 février 202417.

La date prise en compte est celle du jour de naissance de l’agent public. La mise à la retraite est matérialisée par un arrêté portant mise à la retraite. Une fois mis à la retraite, l’agent public peut solliciter le paiement de son indemnité de services rendus.

Il convient de préciser que lorsque que l’agent public a été maintenu en activité après qu’il ait atteint l’âge de la retraite, il pourra demander son indemnité de services rendus qu’après la période durant laquelle il a été maintenu en activité.

b) La suppression d’emplois et le décès de l’agent public
  • La suppression d’emplois

Le législateur n’a pas donné le régime juridique de la suppression d’emplois dans le statut Général de la Fonction Publique. Dans la loi n°1/2005, la suppression d’emplois ne peut se faire que dans le cadre d’un programme de restructuration ou de privatisation ou de reconversion de l’agent.

Dans le cadre de la restructuration ou de la privatisation d’un établissement public par exemple, le transfert de compétence peut être accompagné d’une suppression d’emplois.

Il en est de même en cas de programme de reconversion qui consiste à autoriser l’agent public à quitter son poste de travail pour suivre une formation afin de changer de métier. La reconversion de l’agent peut aussi être suivie de la suppression de son emploi.

Ainsi, quelle que soit la nature de l’emploi et de la situation statutaire de l’agent qui l’occupe, toute suppression d’emploi doit être fondée sur l’intérêt du service. Elle ne peut se faire que pour des motifs énumérés ci-dessus.

L’agent public permanent dont l’emploi est supprimé et qui se trouve dans l’impossibilité d’exercer ou qui ne peut être redéployé doit percevoir tous ses droits et avantages notamment l’indemnité de services rendus.

  • Le décès de l’agent public

Le décès de l’agent public met fin au service de ce dernier dans l’Administration. Il rompt la relation de travail qui existe entre l’agent et l’Administration. Qu’il soit agent public permanent ou non-permanent, le décès ouvre droit au paiement de l’indemnité de services rendus.

Pour que cette indemnité soit versée aux ayants droit de l’agent décédé, il suffit qu’ils justifient être bien les héritiers du défunt en possédant, entre autres un jugement d’homologation leur permettant d’accomplir des actes au nom de la succession.

  • Le nonrenouvellement ou dénonciation du contrat

La cessation définitive d’activité peut aussi résulter du non renouvellement ou de la dénonciation du contrat. Le non renouvellement consiste pour l’organe de décision de la fonction publique à ne pas reconduire le contrat de l’agent public contractuel à la fin du terme prévu.

Quant à la dénonciation, elle consiste pour l’administration à résilier le contrat comportant une clause de tacite reconduction lorsqu’il arrive à son terme.

Dans ces deux cas, l’agent public a aussi droit à l’indemnité de services rendus.

II/ Le contentieux du paiement de l’indemnité de services rendus

Le paiement de l’indemnité de services rendus fait l’objet d’un vaste contentieux devant le Conseil d’État. Dans cette partie nous verrons dans un premier temps les acteurs intervenants dans ce contentieux (A) et dans un second temps, les critiques formulées à leur égard et les recommandations en guise de solution (B).

A/        Les acteurs intervenants dans le contentieux de l’indemnité de services rendus

Différents services publics de l’État interviennent dans ce contentieux, il s’agit notamment du Conseil d’État (1) et du Ministère en charge du budget (2).

1/ Le Conseil d’État

Le Conseil d’État joue un rôle central dans le contentieux de l’indemnité de services rendus. En effet, tout agent public désireux de se faire payer son indemnité est dans l’obligation de saisir au préalable cette Haute Juridiction. Il convient de voir comment elle est saisie (a), sa jurisprudence à géométrie variable (b) et les mécanismes qu’elle utilisent pour allouer les dommages et intérêts aux agents publics (c).

a) La saisine du Conseil d’État

L’agent public doit dans un délai de quatre (4) ans après cessation définitive de son activité, saisir le Conseil d’État aux fins de condamnation de l’État au paiement de l’indemnité de services rendus. Au-delà de ces quatre (4) ans, son action sera déclarée irrecevable pour cause de forclusion, conformément à l’article 98 du décret n˚0094/PR/MBCP du 08 février 2016 portant règlement général sur la comptabilité publique18.

Cette saisine se fait par requête adressée au Premier Président du Conseil d’État. Cette requête doit être accompagnée des pièces suivantes :

  • attestation de cessation de service ;
  • arrêté portant mise à la retraite ;
  • certificat de cessation de paiement et non débet ;
  • état général de services ;
  • Trois derniers bulletins de solde

Toutes ces pièces permettent au juge d’appréciation la situation administrative de l’agent, l’absence de celles-ci peut entrainer le rejet de la demande de paiement l’indemnité de services rendus.

Le certificat de cessation de paiement et non débet permet de vérifier si l’agent public n’est pas redevable vis- à-vis de l’État, si tel est le cas, il y aura une compensation des dettes. Le montant dû par l’agent public sera alors déduit de la somme allouée par le juge au titre de la condamnation.

L’attestation de cessation de service, l’arrêté portant mise à la retraite et l’état général de services permettent au juge de vérifier le rang, la catégorie et le nombre d’année de services de l’agent.

Les bulletins de solde blanc permettent au juge de vérifier le salaire moyen perçu par l’agent avant sa cessation définitive d’activité.

b) La jurisprudence à géométrie variable du Conseil d’État

Après l’entrée en vigueur de la loi n˚1/2005, le Conseil d’État a rendu une abondante jurisprudence qui a varié au fil des années. En effet, en 2010, le Conseil d’État, saisi d’une demande en paiement de services rendus, a reconnu que l’État avait commis une faute du fait de n’avoir pas pris dans un délai raisonnable de disposition permettant la jouissance effective de ce droit19. Il s’agit donc de l’une des premières décisions par lesquelles la responsabilité de l’État a été engagée sur le fondement de sa faute.

Cette position a prévalu jusqu’en décembre 2020, date au cours de laquelle la Haute Juridiction a opéré un revirement jurisprudentiel en rejetant toutes requêtes introduites par les agents publics du fait de l’absence d’un texte règlementaire devant déterminer les modalités de calcul de l’indemnité de services20.

Ce revirement n’a pas mis long feu puisque la Haute Juridiction est revenue sur sa jurisprudence initiale jusqu’en juillet 2024. Cette période marque un tournant important, car le Conseil d’État, constatant que l’État n’avait toujours pas pris de texte d’application, a déterminé les modalités de calcul de l’indemnité de services rendus sur le fondement de l’article 70 de la loi n°3/88 du 31 juillet 1990 fixant les conditions générales d’emploi des agents contractuels de l’État21.

Ainsi, l’indemnité était égale à 20% de la moyenne mensuelle du salaire global des douze derniers mois par année de service effectif. (Cas d’un fonctionnaire ; Salaire de base : 618.864 F CFA ; Nombre d’années de service effectif : 39 ans 11 mois et 28 jours ; calcul = 618.864 F CFA x 20/100 = 123 772 F CFA x 40 ans = 4 950 880 F CFA).

En fixant ces modalités de calcul le Conseil d’État est allé très loin dans son office et s’est immiscé dans le domaine réglementaire. Cependant, il s’est ravisé en revenant une fois de plus sur sa jurisprudence initiale par laquelle l’État est systématiquement condamné sur le fondement de sa responsabilité pour faute.

c) L’allocation des dommages et intérêts

Le Conseil d’État, après avoir reconnu la responsabilité pour faute de l’État du fait de n’avoir pas pris de texte d’application plus de dix (10) ans après l’entrée en vigueur de la loi n˚1/2005, décide que l’agent public a droit à réparation22.

Cette réparation est consécutive au préjudice subi par l’agent qui est resté dans une situation d’inconfort pendant plusieurs années. Le préjudice est apprécié au regard du temps passé dans l’administration, du rang, des fonctions et de la frustration ressentie en raison de la privation injustifiée de ce droit.

Ainsi, en réparation du préjudice subi, la Haute Juridiction alloue une somme d’argent à titre de dommages et intérêts. En général, le Conseil d’État alloue des sommes forfaitaires suivantes :

Pour les agents civils :

Fonctionnaires

  • agent de la catégorie A1 : 000.000 F CFA ;
  • agent de la catégorie A2 : 000.000 F CFA ;
  • agent de la catégorie B1 : 000.000 F CFA ;
  • agent de la catégorie B2 : 000.000 F CFA ;
  • agent de la catégorie C : 000 F FA.

Magistrats et Greffiers

  • Magistrat : 000.000 F CFA ;
  • Greffer, catégorie A1: 000.000 F CFA ;
  • Conseiller adjoint des greffes : 000.000 FCFA ;
  • Greffier principal : 000.000 F CFA.

Pour les Forces de défense et de sécurité :

  • Général :7.000.000 F CFA;
  • Lieutenant Colonel: 000.000 F CFA;
  • Colonel: 000.000 F CFA;
  • Commandant; 000.000 F CFA;
  • Capitaine: 000.000 F CFA;
  • Lieutenant: 000.000 F CFA;
  • Sous officier: 000.000 F CFA;
  • Adjutant Chef Major: 000.000 F CFA.

Nous constatons que le montant des dommages et intérêts des magistrats est plus élevé par rapport aux sommes perçues par les autres agents de l’État. Ce qui constitue une atteinte au principe d’égalité de traitement, une discrimination qui ne repose sur aucun fondement légal.

Pour rétablir ce déséquilibre abyssal, il revient au gouvernement de mettre fin à cette injustice de manière à ce que les écarts entre les montants ne soient pas aussi importants.

Il convient de préciser que le Conseil d’État se prononce uniquement sur les dommages et intérêts, laissant ainsi en suspens la question de l’indemnité de services rendus car n’ayant pas une base de calcul de référence.

En statuant ainsi, la Haute Juridiction ne vide pas sa saisine, faisant entorse à l’obligation qui lui est faite par la loi de se prononcer sur tous les chefs de demandes.

Les agents publics qui ont déjà perçu les dommages et intérêts se réservent donc le droit de saisir à nouveau le Conseil d’État pour solliciter le paiement de leur indemnité de services rendus.

2- Le Ministère en charge du budget

Le Ministère en charge du budget est une entité dont dénomination change de façon permanente. Aujourd’hui, il été rattaché à l’Économie sous la dénomination de Ministère de l’Économie, des Finances, de la Dette et des Participations, chargé de la Lutte contre la Vie Chère.

Ce ministère intervient par le biais de certaines de ses Directions notamment, l’Agence Judiciaire de l’État (a), la Direction Centrale des Affaires Financières (b) et la Direction Générale de Comptabilité Publique (c).

a) L’Agence Judiciaire de l’État (AJE)

Cette Direction Générale a été créée par décret n° 0116/PR/MBCP du 15 avril 2014 portant création et organisation de l’Agence Judiciaire de l’État. Elle a pour mission principale de défendre les intérêts de l’État devant les juridictions nationales et internationales.

Elle ne supporte que les condamnations prononcées contre l’État. Les autres condamnations prononcées contre les autres entités publiques à autonomie de gestion financière sont supportées par elles-mêmes.

Lorsque l’État a été condamné au paiement des dommages et intérêts, l’agent doit se rapprocher de l’AJE pour déposer sa décision de justice, son relevé d’identité bancaire, son matricule solde et ses deux numéros de téléphone.

Après vérification des éléments susmentionnés, le service accueil va accuser réception en apposant un cachet sur la décision. La décision est ensuite transmise au service règlement.

Lorsque la période des engagements est ouverte, le service règlement établi un bordereau d’engagement comprenant la liste des noms des agents qui devront être payés et le montant de la condamnation. Ce bordereau est accompagné de l’ensemble des décisions de justice des bénéficiaires. Une fois établi, le bordereau d’engagement est transmis au Directeur Général pour signature. Les critères de sélection sont laissés à l’appréciation du Directeur Général. En général, les décisions les plus anciennes sont traitées en priorité.

Après signature, ce bordereau et l’ensemble des décisions de justice y relatives sont transmis à la Direction Centrale des Affaires Financières (DCAF) pour ordonnancement.

b) La Direction Centrale des Affaires Financières (DCAF)

La Direction Centrale des Affaires Financières a été créée par décret n° 000427/PR/MFPRAME du 13 juin 2008 portant création et organisation d’une Direction Centrale des Affaires Financières à la Présidence de la République, à la Primature et dans les Ministères. Elle est notamment chargée, entre autres, d’assister les administrateurs de crédits dans l’exécution des budgets et de suivre l’exécution du programme d’actions prioritaires de l’administration concernée.

C’est dans le cadre de ses missions qu’elle reçoit le bordereau d’engament et l’ensemble des décisions de justice transmis par l’AJE aux fins de vérification des montants ainsi que les noms des bénéficiaires. Après vérification, le bordereau et les décisions sont transmis au Contrôleur Budgétaire, lequel effectue un contrôle et appose son visa. Ensuite les documents sont transmis au Directeur Général du Contrôle Budgétaire et Financier pour visa.

Après visas de ces deux responsables, le bordereau et l’ensemble des décisions de justice sont transmis au Ministre de tutelle qui vise et donne ordre de payer. Les documents sont ensuite envoyés au Directeur Général du Budget pour validation et visa, le tout est transmis au service de la DCAF pour établir l’ordonnance de paiement (OP) et le titre d’engagement qui justifient l’exécution de la dette et le paiement de la dépense. Une fois que les ordonnances de paiement ont été établies, elles sont transmises à la DGCPT (trésor) pour paiement.

L’AJE reçoit aussi ces ordonnances de paiement pour effectuer un suivi régulier de leur exécution au niveau du trésor. Elle appelle les agents bénéficiaires pour récupérer leurs ordonnances. Une fois récupérer, ces derniers doivent aller retirer leur titre de paiement (bon de caisse) auprès de la Direction de la dépense du trésor.

c) La Direction Générale de la Comptabilité Publique et du Trésor (DGCPT)

Cette Direction Générale a été créée par décret n° 0280/PR/MBCP du 21 août 2014 portant création et organisation de la Direction Générale de la Comptabilité Publique et du Trésor.

Il résulte de l’article 2 dudit décret que « la DGCPT a pour missions de traiter, sans préjudice des compétences dévolues aux autres administrations en la matière, les questions relatives à la comptabilité publique, à l’exécution du budget de l’État, des collectivités locales et des établissements publics et à la gestion de la trésorerie de l’État ».

Il résulte de l’article 62 de la loi n° 5/85 du 27 juin 1985 portant Règlement Général sur la Comptabilité Publique de l’État que « Sauf autre moyen expressément prévu par la loi, les paiements sont effectués par remise d’espèces, de chèques, par mandat postal ou par virement bancaire, postal, ou à un compte ouvert dans les écritures du Trésor ».

Dans le cadre de l’exécution des décisions de condamnation au titre des dommages et intérêts, le trésor est chargé, sur la base des ordonnances de paiement qui lui sont transmises par la DCAF, de payer les montants figurant dans lesdites ordonnances. Le paiement s’effectue en fonction des liquidités disponibles, autrement dit s’il n’y a pas assez d’argent dans les caisses du trésor, les agents publics bénéficiaires des ordonnances de paiement devront attendre jusqu’au renflouement des caisses.

Ce paiement pourra donc se faire soit par bon de caisse avec remise d’espèces au trésor, soit par virement bancaire dans la banque auprès de laquelle est domicilié l’agent public.

B/ Les critiques et les recommandations en guise de solution

Avant de décliner les recommandations en vue de mettre fin à ce contentieux (2) nous aborderons les critiques formulées à l’égard de certains intervenants (1).

1- Les critiques formulées à l’égard des intervenants

Certains acteurs intervenants dans le contentieux de l’indemnité de services rendus font l’objet de vives critiques. Il s’agit notamment de l’État qui laisse volontairement perdurer ce contentieux (a), mais également le Conseil d’État dont la jurisprudence manque paraît quelque peu ambiguë (b).

a) La latence volontaire de l’État

Depuis que l’indemnité de services rendus a été instituée par la loi n°1/2005, l’État n’a toujours pas pris de décret d’application fixant les modalités de calcul de cette indemnité, soit près de 20 ans de latence volontaire.

La responsabilité pour faute de l’administration, fondement jurisprudentiel de la condamnation de l’État, est donc axée sur son abstention d’agir, c’est à dire son inaction à prendre le décret d’application.

Il est tout de même incompréhensible que l’État s’obstine à ne pas édicter ce texte réglementaire alors même qu’il est nécessaire pour mettre un terme à ce vaste contentieux. Cela est d’autant plus incroyable que l’État fait le choix de supporter depuis plusieurs années les montants exorbitants au titre des dommages et intérêts, pourtant ces sommes obèrent considérablement les finances publiques.

Certains agents publics ont été privés de cette indemnité par méconnaissance du droit et d’autres pour avoir introduit leurs requêtes tardivement. Même quand ils sont en possession des décisions de justice, ils doivent souvent attendre plusieurs années avant d’être payés.

Aujourd’hui les ressources budgétaires sont fragilisées par des tensions de trésoreries, cette attitude de l’État est en totale contradiction avec sa volonté affichée, laquelle vise à instaurer la transparence budgétaire et à assainir les finances publiques. Comme quoi la puissance publique veut une chose et fait pourtant le contraire.

L’agence Judiciaire de l’État peine à réduire ce contentieux car les condamnations prononcées contre l’État sont quasi systématiques. Elle a initiée plusieurs projets mais malheureusement ils n’ont jamais vu le jour.

Alors comment parvenir à réduire ce contentieux alors même que l’État n’a manifestement pas la volonté d’atteindre cet objectif ?

Pour réduire considérablement le montant de la dette intérieure qui s’élève à plusieurs milliards de franc CFA, il devient urgent que l’État prenne ses responsabilités en édictant enfin le décret d’application.

b) La jurisprudence ambiguë du Conseil d’État

Dans le cadre du contentieux de l’indemnité de services rendus, la plupart des décisions du Conseil d’État se soldent à coup sûr par une condamnation systématique de l’administration sauf lorsque l’action initiée par l’agent est frappée de prescription.

Pour condamner l’administration, la Haute Juridiction se fonde sur la notion de responsabilité pour faute. Pour reprendre la définition classique de Marcel Planiol, la faute est « un manquement à une obligation préexistante ». L’administration est en faute lorsqu’elle ne s’est pas conduite comme elle l’aurait due, quand son action ou son abstention d’agir est de nature à justifier un reproche23.

Le Conseil d’État adopte donc un même raisonnement dans l’ensemble de ses décisions. Dans sa motivation, il estime qu’ « en restant (…) sans prendre le texte d’application relatif à l’allocation de l’indemnité de services rendus créée au profit des agents publics admis à faire valoir leurs droits à la retraite, l’administration a commis une faute qui engage sa responsabilité et ouvre droit à la réparation sollicitée par le requérant »24.

Toutefois, on se demande si la Haute Juridiction qui en principe joue un rôle d’arbitre ne s’est pas ralliée du côté des agents publics, car dans certaines décisions, on remarque que le Conseil d’État condamne l’État à payer des dommages et intérêts alors même que cette demande ne figurait pas dans la requête25. Dans ce cas de figure, il est clair que la Haute Juridiction statue au-delà de ce qui lui est demandé, c’est-à-dire ultra petita.

Dans d’autres décisions, la Haute Juridiction rompt avec le principe selon lequel l’accessoire suit le principal. Ce principe signifie que si les droits résultant d’une demande principale sont rejetés, la demande accessoire subi inévitablement le même sort.

Or, tel n’est pas souvent le cas car dans certaines décisions, le Conseil d’État accorde les dommages et intérêts aux agents publics quand bien même il déclare la demande d’indemnité de services rendus sans objet.

Enfin il est vrai que les dommages et intérêts sont laissés à l’appréciation de la Haute Juridiction mais au regard des montants alloués on est en droit de se demander si le Conseil d’État n’attribue pas les sommes forfaitaires selon des critères subjectifs déterminés unilatéralement.

Ces sommes qui varient en fonction de la catégorie sont vivement contestées aujourd’hui par les agents, car non seulement elles ne tiennent pas du nombre d’années de services effectifs, mais elles ne réparent également pas l’intégralité du préjudice subi.

2- Les recommandations en vue de mettre fin à ce vaste contentieux

Pour mettre fin à ce contentieux, l’État doit impérativement prendre un décret d’application fixant les modalités de calcul et de versement de l’indemnité de services rendus (a). Cette indemnité doit être payée de façon automatique ou dans un délai raisonnable (b).

a) La nécessité d’édicter un décret d’application

L’État doit rapidement prendre un décret d’application fixant les modalités de calcul et de versement de l’indemnité de services rendus. L’édiction de ce texte réglementaire permettra d’éviter non seulement un contentieux à venir mais mettra aussi fin à la différenciation injustifiée entre les montants alloués aux agents publics.

Il est nécessaire que ces modalités s’appliquent rétroactivement aux indemnités de services rendus acquises au titre de l’article 86 ancien. Si tel est le cas, tous les agents publics qui ont obtenu des dommages et intérêts par décision du Conseil d’État et ceux dont les instances sont en cours recevront les montants fixés dans le décret d’application, rompant avec la discrimination actuellement constatée.

Les modalités de calcul et de versement de cette indemnité devront tenir compte de la catégorie, du grade et du temps passé par l’agent public dans l’administration.

Les montants alloués devront être exonérés de l’impôt. Les sommes devront être versées par remise d’espèces ou virement bancaire.

Ainsi, deux choix s’offrent à l’État, soit attribuer les montants forfaitaires aux agents publics bénéficiaires en fonction de la catégorie, soit déterminer un mode de calcul claire dans le décret d’application.

L’État pourrait par exemple s’inspirer du mode de calcul du privé c’est-à-dire « indemnité est égale à 20% de la moyenne mensuelle du salaire global des 12 derniers mois par année effective de services ».

Exemple indicatif :

Cas d’un fonctionnaire

Salaire de base : 618.864 F CFA ;

Nombre d’années de service effectif : 39 ans 11 mois et 28 jours ;

Le calcul de l’indemnité se présente ainsi :
20 % de 618 864 F CFA = 123 772 F CFA (indemnité annuelle),

Soit :
123 772 × 39 ans + 123 772 × 11/12 + 123 772 × 40/365
= 4 827 108 + 113 457 + 13 564
= 4 954 129 F CFA au titre de l’indemnité de services rendus.

Aujourd’hui il devient urgent que l’État fixe ces modalités de calcul dans un texte règlementaire pour déterminer un barème uniforme pour tous les agents publics.

b) Le paiement automatique ou dans un délai raisonnable

Le paiement est l’acte par lequel l’État se libère de sa dette, autrement dit c’est l’acte par lequel l’État paie effectivement sa dette.

Une fois que les autorités publiques auront édicté le décret d’application fixant les modalités de calcul de l’indemnité de services rendus, il faut nécessairement que les montants liquidés soient payés automatiquement. Le retard de paiement n’est pas une option pour l’État, car cela risque de créer un contentieux inutile qui aboutira à la condamnation certaine de la puissance publique.

Pour éviter des condamnation systématiques, l’État devra payer aux agents publics le montant de leur indemnité automatiquement après cessation définitive de leur activité. Cela pourra se faire comme au privé avec le solde de tout compte. Le dernier versement de salaire pourra être cumulé avec le montant de l’indemnité de services rendus.

À défaut d’un paiement automatique, le règlement de ladite indemnité pourra se faire dans un délai raisonnable de trois (3) mois après la cessation définitive de l’activité de l’agent. Ce délai raisonnable à pour objectif de laisser le temps à l’État de trouver des finances disponibles pour supporter cette dépense.

Ce paiement pourra se faire par bon de caisse avec remise d’espèces ou par virement bancaire.

Conclusion

En définitive, les agents publics participent au quotidien à la satisfaction des missions d’intérêt général au sein de l’administration Gabonaise pour le bien être des usagers. Ils mettent jour après jour à disposition leur savoir pour le bon fonctionnement du service public.

Pour les récompenser, le législateur Gabonais a décidé de leur verser lorsque certaines conditions sont réunies une indemnité de services rendus après cessation définitive de leur activité. Cependant, l’État n’a jamais pris de décret d’application fixant les modalités de calcul de ladite indemnité.

L’absence de ce décret d’application est préjudiciable pour les agents publics qui subissent contre leur gré l’injustice causée par les décisions du Conseil d’État.

Aujourd’hui, le même État a procédé à des réformes fortes avec pour dessein, l’assainissement des ressources budgétaires. C’est dans cet élan que le pouvoir exécutif a légiféré par voies d’ordonnances pour remplacer l’indemnité de services rendus par le bonus de cessation définitive d’activité. Mais malheureusement cette ordonnance qui n’a pas été ratifiée par le parlement est devenue caduque.

L’indemnité de services rendus reste donc un droit dû aux agents. L’État doit urgemment prendre un décret d’application fixant les modalités de calcul et de versement de cette indemnité. Une fois ce texte réglementaire pris, ladite indemnité doit être payée de façon automatique ou dans un délai raisonnable (3 mois) pour éviter des condamnations systématiques.

Il est impératif que l’État se penche immédiatement sur cette question au risque de voir exploser la dette contentieuse dans les mois ou années à venir. Agir autrement c’est courir le risque d’une augmentation de la dette contentieuse nationale, ce qui mettra à mal les objectifs des nouvelles autorités.

 

 

 

  1. Cour d’Appel Administrative de Monaco, 27 octobre 1969, Trésorier Général des Finances c/ C.
  2. Tribunal des Conflits, Arrêt du 25 mars 1996, n°03000, publié au recueil Lebon
  3. Nikolas Kada, Dictionnaire d’Administration Publique, Collection Droit et action publique, Edition Presse Universitaire de Grenoble, 2014, P.31-32
  4. La loi n°5/78 du 1er juin 1978 portant adoption du Code du Travail de la République Gabonaise a prévu en ses articles 44 et 45 la création d’une indemnité de services rendus, accordée à tout travailleur licencié pour motif autre que la faute lourde, ou allant à la retraite. Cette indemnité est due en cas de licenciement ou de départ à la retraite, après une ancienneté de deux ans dans l’entreprise
  5. les articles 71 et 88 des Codes du Travail des années 1994 et 2021
  6. Les agents publics non-statutaires de droit public sont des agents recrutés par l’État Gabonais par contrat d’engament de travail et qui sont soumis à un régime de droit public dont la compétence relève du juge administratif (article 2 de la loi n°3/88 du 31 juillet 1990 susvisée)
  7. Les agents publics non-statutaires de droit privé sont des agents recrutés par l’État Gabonais par contrat de travail (lettre d’engagement ou décision ministérielle) et qui sont soumis à un régime de droit privé dont la compétence relève du juge judiciaire
  8. V. Article 193 du Statut Général de la Fonction Publique
  9. Tribunal des conflits, Arrêt du 25 mars 1996, n°03000, publié au recueil Lebon
  10. Tribunal Administratif de Makokou, Jugement du 25 novembre 2020
  11. Guide de l’agent public, service de l’analyse des médias, n°4, Octobre 2022
  12. Les emplois subalternes sont des emplois de rang peu élevé dans la hiérarchie professionnelle de l’Administration. C’est en particulier le cas des femmes de ménage, ouvriers, jardiniers, chauffeurs etc…
  13. Anthony BEM, le temps pour agir en justice, la forclusion et la prescription de l’action, LEGAVOX.fr, 7 avril2016
  14. Anthony BEM, Op.Cit., p.5
  15. Cette prescription peut être interrompue lorsque l’agent public a saisi l’administration ou initié une action en justice avant l’expiration du délai de quatre (4) ans. Dans l’un ou l’autre cas, un nouveau délai recommence à courir à compter de la date de la saisine
  16. Article 88 du Code Travail 2021 pour les agents de la main d’œuvre non permanente qui sont régis par les dispositions dudit Code
  17. L’article 149 de l’ordonnance n°0003/PR/2024 du 08 février 2024 dispose que « sous réserve des dispositions de prévues par différents statuts particuliers, l’âge limite de mise à la retraite est fixé à soixante-deux ans pour les agents civils de l’État »
  18. Conseil d’État, affaire MOUGHETOU Marie Adèle, arrêt du 04 janvier 2023, ré n° 86/2022-2023 ; V. aussi, Conseil d’État, affaire Dame ENGOUANG BEKALE Jeannette, arrêt du 17 mars 2023, rép. n°013B/2022-2023
  19. CE, affaire MBOUROU Jean Hubert, arrêt du 17 décembre 2010
  20. CE, affaire EKIEMA-EVOUNG Michel, arrêt du 09 décembre 2020 ; V. aussi, CE, affaire MOUNDOUNGA KOMBILA Philippe, arrêt du 09 décembre 2020
  21. CE, affaire DIMB Olivier, arrêt du 12 Juillet 2024, rep n° 112/2023-2024 ; V. aussi, CE, affaire MANINGAUT MOGOULA Viviane, arrêt du 12 juillet 2024, rep n°23/2023-2024
  22. CE, affaire MBA Christian, arrêt du 22 janvier 2025, rep n°003/2024-2025
  23. René CHAPUS, Droit administratif général, Tome 1, 15e édition, Montchrestien, 2001, p. 1294
  24. CE, Arrêt du 12 février 2020, Rep n°107/2019-2020
  25. CE, affaire DIAMBOU Marie-Thérèse, rep 009/2023-2025, 11 décembre 2024

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Auteur/autrice

boussjeremih@gmail.com

Titulaire d’une Maîtrise en Droit et Pratique du Contentieux, d’un Master Recherche en Droit des Affaires Chef de Service Contentieux de l’Annulation des Actes Administratifs au sein de l’Agence Judiciaire de l’État

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