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Réglementation des manifestations publiques en République gabonaise : Les Fatuités du Ministre de l’Intérieur

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© D.R

La Paix, la Sécurité Publique et la Sûreté sont les trois composantes qui consacrent la notion d’ordre public. L’ordre public pourrait s’assimiler à un état de la société caractérisé par les composantes susmentionnées, et dont le trouble ne peut être pertinent en droit, qu’en cas d’une atteinte significative de la sureté et de la paix publique.

A ce qu’il semble, cette notion  » d’ordre Public « et de son corollaire  » Trouble à l’ordre à public » échappent au discernement du Ministre de l’Intérieur, et cela, soit par labilité politique ou tout simplement par une méconnaissance accrue des textes de loi. C’est du moins, ce que l’on perçoit en filigrane à la lecture de son communiqué du 23 juillet 2016.

Il ressort des faits, que le Samedi 23 Juillet 2016, l’opposition réunie autour d’une coalition regroupant les différents candidats a convié leurs adhérents à une manifestation pacifique en contestation de la candidature d’Ali Bongo Ondimba. Quelques minutes après le début de la marche, les forces de l’ordre vont charger leaders et manifestants à coups de bombes lacrymogènes. Appelé à s’expliquer sur cette démarche étonnante des forces de l’ordre, le Ministre de l’Intérieur, Pacôme Moubelet va se fendre d’un communiqué justifiant cet acte par un prétendu trouble à l’ordre public et une supposée légèreté dans la demande préalable faite par l’opposition.

De la supposée légèreté de la demande préalable

En amont, Il convient de préciser que cette manifestation est en tout point légale. Cette légalité qui fixe l’esprit de la loi nous instruit en l’article 2 de la loi électorale issue de l’ordonnance n°0091PR/2011 du 11 août 2011 que « … les réunions publiques sont libres en République gabonaise »

En aval, l’article 5 de la Loi 48/60 du 8 Juin 1960 sur les réunions publiques établie que «… toute réunion publique est soumise à l’obligation d’une déclaration préalable indiquant le but, le lieu, le jour et l’heure de la réunion »

A la lecture de son communiqué Mr le Ministre déclare, « … par une lettre, les responsables des partis politiques ont cru bon simplement d’informer le Ministre de l’Intérieur pour requérir l’encadrement des forces de l’ordre ». En prenant appuie sur cette déclaration, la réception d’un document par Mr le Ministre lui notifiant de la tenue prochaine d’une manifestation, ne souffre d’aucune contestation. Par conséquent, les leaders de l’opposition ont parfaitement satisfait aux exigences issues de l’article 5 de la loi 48/60 du 8 Juin 1960.

Dans le même sens, si l’obligation liée à la demande préalable a été respectée, nous nous interrogeons sur la pertinence des raisons ayant conduit à la répression de la manifestation par les forces de l’ordre. Et ce d’autant plus que l’ordonnance n°0091/PR/2011 du 11 août 2011 consacre en son article 72, l’éventualité de maintenir la réunion publique même sans réponse du Ministre de tutelle. Une notification de refus qui en l’espèce, n’a pas été envoyée car nul doute que le Ministre l’aurait mentionné dans son communiqué. Une omission qui fait prendre un relief particulier à l’article précité.

Cet article 72 de disposer « la propagande électorale est libre sous réserve du respect de l’ordre public et de l’observation des prescriptions législatives et réglementaires sur les réunions publiques. (…) En l’absence de notification de refus d’autorisation dans un délai de douze heures au moins avant l’heure déclarée de la réunion, celle-ci est réputée autorisée, sous réserve des considérations liées à l’ordre public ».

Le premier enseignement, objet de l’article 9 de la loi, nous informe que les réunions publiques sont susceptibles d’être interdites par l’autorité compétente, si leur tenue est de nature à troubler l’ordre public.

En l’espèce, il n’y a pas eu de trouble à l’ordre public qui pourrait justifier l’intervention des forces de l’ordre. De même, on ne saurait constater une inobservation des prescriptions législatives et réglementaires des manifestions publiques car le Ministre évoque dans son communiqué la réception d’une lettre. Enfin, aucune notification n’est parvenue à l’opposition dans un délais de Douze heures, ce qui vaut de facto, autorisation.

En plus d’avoir satisfait aux exigences, de l’article 5 de la loi portant sur les réunions publiques, les opposants se sont conformés aux obligations nées de l’article 72 de l’ordonnance N°0091/PR/2011 du 11 août 2011. Le respect des textes donne t-il désormais lieux à des répressions en République Gabonaise ?

Faut-il les violer et prendre exemple sur la CENAP et la Cour Constitutionnelle pour se prémunir des violences policières ?

Dans son communiqué, Mr Pacôme Moubelet évoque avec arguties une simple information. C’est ainsi qu’il déclare, « … les responsables des partis ont cru bon simplement d’informer le Ministère de l’Intérieur ». A le lire, il s’attendait à une toute autre démarche de la part des leaders de l’opposition qu’une simple information. Une demande de permission peut être ?

L’article 5 évoque clairement une « déclaration préalable » et non une demande. De ce fait, l’information envoyée par les opposants sur la tenue de la réunion revêt parfaitement cet habit de déclaration préalable.

Sur quelle disposition s’appuie le ministrePacôme Moubelet pour remettre en cause la démarche des manifestants ?

Mr le Ministre fait-il valoir un régime d’autorisation préalable spéciale et nouveau dénué de tout décret ou d’ordonnance ?

Le candidat Ali Bongo serait-il le seul habilité à tenir des réunions publiques sans en être inquiété ?

En définitive, les évènements du 23 juillet 2016 ne sont que la manifestation de la vision de l’Etat de droit par les tenants du pouvoir. Une vision faite de violation, d’outrage et d’atteinte des principes républicains. Les justifications fallacieuses et impertinentes du Ministre de l’Intérieur sont une entorse manifeste à l’expression de la démocratie pluraliste. Ce sont là des signes avant coureurs qui consacrent, à quelques mois de la présidentielle, l’appréhension des populations sur la sincérité du scrutin et l’égalité des chances entre candidats.

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