Soucieux de réprimer tout acte attentatoire à la personne humaine et notamment à sa vie, le législateur va se prononcer en faveur d’un Livre III consacrant la répression des crimes et délits contre les personnes en incriminant aussi bien, les homicides involontaires, les coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans l’intention de la donner, que les violences et voies de fait contre les personnes.
Ainsi, l’homicide commis volontairement est défini à l’article 223 du Code Pénal comme étant un meurtre. Dit autrement, le meurtre est le fait de donner volontairement la mort à autrui. La préméditation va donc distinguer le meurtre de l’assassinat qui est quant à lui prévu à l’article 224 du même code.
Cette perception du meurtre se retrouve dans la vision légale et générique de l’acte d’homicide lequel impose un acte positif, un acte de violence sur la personne d’autrui, entraînant, par conséquent, le décès de la victime.
Sous le prisme des réalités sociétales qui commandent de ne pas tenir compte exclusivement de la lettre générique de l’article 223, pour réprimer l’acte d’homicide volontaire, eu égard aux moyens différenciés utilisés pour la commission d’un meurtre en société gabonaise, le législateur va consacrer au Chapitre XIX, tout acte portant sur la sorcellerie, le charlatanisme et les actes d’anthropophagie.
Sur l’incrimination :
Tout acte d’homicide par la manifestation de pratiques occultes est puni à l’article 210 du Code Pénal. Lequel nous apprend que : « Sera puni d’un emprisonnement de deux à cinq ans, et d’une amende de 50.000 à 200.000 francs…, quiconque aura participé à une transaction portant sur des restes et ossements humains, ou se sera livré à des pratiques de sorcellerie, magie, charlatanisme susceptibles de porter atteinte aux personnes… »
Au travers de cet article, le législateur étend le champ de répression du meurtre aux actes de sorcellerie, de charlatanisme et à l’anthropophagie (article 229 Code Pénal). Si cette répression porte en son sein, une volonté manifeste de ne pas laisser impunie toute spéculation autour des meurtres par fétichisme et ses corollaires, elle se heurte à un élément important lié à la qualification de l’infraction pénale, à savoir, l’élément matériel.
L’article 210 du Code Pénal, un texte particulièrement exceptionnel ?
Le quotidien « l’Union » dans sa parution n°12053 du Mercredi 10 février 2010, nous rapportait un cas de sorcellerie dans la localité de Lambaréné, impliquant un septuagénaire. Il ressort des faits que Sieur Christophe Mbanangoye, aurait posé des actes de sorcellerie ayant entraîné la mort de plus d’une quarantaine de personnes. A la tête d’une « tontine occulte » au sein de laquelle chaque membre offrait en sacrifice une personne de sa famille, le septuagénaire a été découvert avec la dépouille de son petit-fils dans les bras, il serait ainsi, passé aux aveux.
Longtemps considéré comme la reine des preuves, l’aveu est une déclaration par laquelle le prévenu reconnaît en partie ou en totalité le bien fondé des accusations portées à son encontre. Spontanées ou provoquées, il est toutefois évident que sans ces déclarations, les enquêteurs se seraient heurtés à l’impossibilité de présenter de façon matérielle le lien entre les actes de sorcellerie et les décès survenus.
Quid de la pertinence de l’élément matériel ?
L’article 210 du Code Pénal réprime dans sa lettre les « …pratiques de sorcellerie, de magie ou de charlatanisme ». En l’espèce, le cas susmentionné fait le récit d’un meurtre issu de pratiques occultes. L’infraction est, de ce fait, parfaitement constituée.
Toutefois de cette analyse, se pose la question de la matérialité de l’acte. Le meurtre étant une infraction de commission, l’acte d’homicide doit être un acte positif. Il faut ainsi donner la mort en posant un acte matériel. Cet acte dit matériel doit être accompli objectivement pour que l’infraction soit constituée, et de fait, répréhensible. Au surplus, l’acte matériel doit avoir un lien de causalité avec la survenance du décès.
De ce fait, de simples sortilèges ou maléfices ne sauraient constituer un acte d’homicide, faute de matérialité et cela en raison de l’impossibilité de prouver la relation de causalité entre l’acte de sorcellerie et le décès de la victime. C’est du moins ce que retient la législation française. La société française ne croyant certainement pas en la thèse selon laquelle, des maléfices pourraient donner la mort à autrui.
Si la loi gabonaise, compte tenu des faits culturels et sociétaux, l’admet explicitement, elle est cependant soumise à l’épreuve de la matérialité des faits et du lien de causalité. La sorcellerie étant un acte métaphysique, immatériel, son lien de causalité avec la survenance du décès est de ce fait, amputé de rigueur juridique.
Comment ? par quels moyens matériels ? par quel acte positif palpable, un pratiquant de sorcellerie peut-il porter atteinte à la vie d’autrui ?
Quel est le lien de causalité entre l’acte positif et l’homicide perpétré par un sorcier ?
Ce texte ne porte-t-il pas une incohérence à même de remettre en cause la commission de l’infraction et donc, sa répression ?
Autant de questionnements qui soulèvent la particulière exception de l’article 210 du Code Pénal, lequel admet une condamnation pour meurtre, quand bien même, aucun acte ne serait consubstantiel de l’atteinte à la vie relative à la personne d’autrui.