Certains usagers ont vu dans la fermeté affichée par les services de l’Etat, la volonté de satisfaire les revendications de la puissante Union des représentants de l’automobile et de l’industrie.
Les concessionnaires traditionnels seraient-ils les véritables instigateurs de l’arrêté du 27 septembre 2013 ?
L’arrêté ne donne aucune indication sur les motivations et les buts visés par la mesure de limitation à trois ans de l’âge des véhicules automobiles d’occasion.
Les rédacteurs du texte peuvent être exemptés de reproche à ce sujet. La loi gabonaise ne met pas à leur charge une obligation générale de motivation des actes administratifs, à l’exemption des décisions individuelles infligeant une sanction à l’administré. Ensuite parce que, la jurisprudence considère que lorsqu’ un texte le prévoit, l’administration a pour obligation de motiver ses décisions. Il n’en est pas ainsi en l’espèce.
N’étant pas assujettie à une obligation générale de motivation, l’administration doit expliquer aux administrés les buts de ses décisions pour des raisons d’effectivité et d’efficacité de l’action publique.
Le premier argument avancé par l’administration pour justifier sa réforme se rapporte à la lutte contre les accidents de la circulation à Libreville et en province. Selon, les autorités compétentes, la limitation des importations aux véhicules âgés de trois ans va contribuer à lutter contre les accidents de la circulation. Cet argument est légitime. Le rôle des pouvoirs publics est de prévenir l’insécurité en recherchant, dans la mesure du possible, les solutions pour l’éradiquer. Si nous pouvons saluer la justesse de cette justification, de même, nous pouvons y mettre un petit bémol.
D’abord, au regard de l’article 2 de l’arrêté du 27 septembre 2013, seuls les véhicules d’occasion âgés de six (6) mois à trois (3) ans et ayant été vendus ou achètes en seconde main, peuvent être importés sur le territoire gabonais. Or une voiture acquise à l’étranger, chez un concessionnaire même âgée de plus de trois ans n’est pas au sens de l’arrêté un véhicule automobile d’occasion, dès lors qu’il n’a pas fait l’objet d’une revente depuis la date de sa première mise en circulation. En somme, les primo acquisitions à l’étranger (même âges de 10ans) ne sont pas des voitures d’occasion au sens du présent arrêté. De ce fait, ces véhicules peuvent être importés au Gabon. L’argument selon lequel « Le Gabon ne doit pas être la poubelle de l’Europe » qui y déverse ses déchets mécaniques ne tient pas la route.
Ensuite, c’est à bon droit que les rédacteurs de l’arrêté du 27 septembre 2013 ont expressément visé le Règlement n°04/01-UEAC 089-CM du 16 mars 2001, portant adoption du Code Communautaire de la Route des Etats de la CEMAC. L’incidence de ce Règlement en droit gabonais ne sera pas sans conséquence sur l’effectivité de la nouvelle règlementation gabonaise. Le Code de la route communautaire CEMAC introduit en droit gabonais deux dispositions qui auraient dû retenir l’attention des rédacteurs de l’arrêté. La première est relative à la Plaque d’immatriculation communautaire. L’article 78 du Code de la route communautaire précise les conditions d’établissement des plaques d’immatriculation communautaire et leur reconnaissance dans tous les Etats de l’espace CEMAC .
La seconde se rapporte à la Reconnaissance réciproque des certificats de contrôle technique. L’article 81 du même Code de la route communautaire, fixe les modalités d’établissement et de reconnaissance réciproques des certificats de contrôle technique délivrés dans un Etat de la Communauté .
Avec la reconnaissance réciproque des certificats de contrôle technique et l’admission communautaire d’une plaque d’immatriculation commune aux Etats de la CEMAC, les rédacteurs de l’arrêté du 27 septembre 2013 ont déshabillé Paul pour vêtir Jacques.
Le second argument d’autorité avancé par l’administration pour justifier sa réforme est relatif à la protection de l’environnement et à la prévention des affections provoquées par les particules fines.
Selon l’administration gabonaise, Libreville, la capitale du Gabon, est devenue l’une des villes d’Afrique centrale la plus polluée. La source de cette pollution est la fumée rejetée par les voitures d’occasion. Les spécialistes craignent la multiplication des cancers des voies respiratoires. Déjà, on déplore la recrudescence de nombreuses maladies respiratoires. Ces arguments ne souffrent d’aucune contestation. Suffoquer sous d’épaisses fumées noires qui entourent voitures et piétons est une réalité quotidienne dans les rues de Libreville.
Le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), dans une enquête publiée à Nairobi, au Kenya a mis un accent particulier sur les impacts néfastes de l’essence à plomb et de certains produits artisanaux comme l’essence frelatée sur l’environnement des villes africaines au sud du Sahara. Ces deux produits sont utilisés au Gabon aussi bien par les propriétaires des véhicules automobiles d’occasion importées d’Europe mais surtout par les millions de véhicules automobiles usagés qui circulent dans les rues des villes gabonaises.
Aussi, la mesure édictée par l’arrêté du 27 septembre 2013 a un impact considérable sur l’activité économique nationale. A titre principal, des PME importatrices de véhicules d’occasion et les transporteurs terrestres vont se retrouver en difficultés financières. Par ricochet, les prix des transports en commun vont augmenter et le pouvoir d’achat des couches populaires va s’amenuiser avec les licenciements, accentuant ainsi le taux de chômage des jeunes.
Pour une catégorie de gabonais, l’achat d’un véhicule de seconde main est le seul moyen d’accession à la propriété d’un bien social, qui est encore considéré comme un luxe au Gabon.
De plus, si la filière communautaire est exploitée, les professionnels de l’occasion vont migrés vers les Etats de l’espace CEMAC qui sont plus attractifs que le Gabon en matière d’importation des véhicules automobiles d’occasion.
Le risque ici est de voir les fonds qui alimentaient les caisses de la douane gabonaise traversés le Ntem pour garnir les mallettes des douaniers camerounais . D’où la nécessité de suggérer en sus de la présente analyse des propositions d’aménagements de l’arrêté du 27 septembre 2013.
D’abord, en ce qui concerne la protection de l’environnement, nous proposons le maintien de la limitation de l’âge des véhicules automobiles d’occasion autorisés à l’importation sur le territoire gabonais. Aussi, nous suggérons de fixer cet âge à sept ans (7ans). Au motif qu’acheter en Europe, un véhicule d’occasion âgé de moins de trois ans revient à l’achat d’un véhicule neuf au Gabon, si l’on intègre le prix d’achat du véhicule, le coût du transport, les taxes et les droits de douane.
Avocat au Barreau de Paris
Co-fondateur de Que Dit La Loi
Attaché à la défense des libertés publiques et individuelles
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