D’un point de vue légal, les fiançailles constituent une promesse entre un homme et une femme résultant d’une volonté réciproque de se prendre plus tard comme époux. Cet accord purement moral ne fait peser aucune obligation juridique sur les futurs époux. Toutefois, bien que dépourvues de fermeté juridique, les fiançailles font l’objet par le législateur d’un encadrement spécifique concernant leur rupture. Cet article a pour objet de revenir sur la nature et les effets juridiques des fiançailles ainsi que sur les conséquences que pourraient entrainer leur rupture.
La nature juridique d’une relation régie par les fiançailles s’observe en amont de l’article 198 du code civil qui la définit comme “ l’acceptation réciproque de la promesse de mariage…”. La présente disposition traduit clairement la forme juridique de cette union, de laquelle ne peut résulter qu’un devoir de conscience et non une quelconque obligation d’en venir au mariage. La lettre et l’esprit de la disposition précitée font des fiançailles un accord dont les protagonistes ne sont débiteurs d’aucune obligation juridique. En d’autres termes, bien que matérialisée et ritualisée par la traditionnelle cérémonie de famille, cette union ne constitue qu’un fait juridique. Cette vision des fiançailles est consacrée par le législateur dans l’article 202 du code civil lequel énonce qu’ « aucune action ne peut être accordée pour contraindre au mariage la fiancée ou le fiancé qui s’y refuse”.
Le législateur octroie ainsi à chacun des fiancés une sorte de droit à l’erreur permettant à celui ou celle doutant du bien-fondé de son engagement de faire valoir son droit de rétractation par l’extinction de celui-ci. Le fiancé qui, mis en demeure de se marier, se refuse à une telle entreprise n’est en aucun cas présumé fautif. Chaque fiancé jouit en réalité d’une liberté de principe lui permettant de rompre les fiançailles avant la célébration éventuelle du mariage : c’est l’expression du principe de liberté matrimonial, selon lequel on est libre de se marier ou non, et on est libre de choisir son avec qui on va contracter mariage. C’est pourquoi les peines conventionnelles prévues pour être appliquées en cas de refus de célébration de mariage, ou en cas de rupture de fiançailles, ne peuvent être exécutées.
Les fiançailles n’étant pas un contrat, leur exécution ne fait peser sur aucun des fiancés une présomption fautive. Cela dit, il est des comportements pour lesquels la responsabilité de l’auteur de la rupture peut être mise en cause.
Sur l’encadrement de la rupture des fiançailles
Le principe des fiançailles est celui de la liberté et de l’absence de responsabilité en cas de rupture. Néanmoins, il convient de nuancer le principe en précisant que le droit de rompre ne doit pas être exercé abusivement.
Le législateur peut à cet effet, engager la responsabilité du fiancé ou de la fiancée qui, de façon abusive, rompt la promesse de mariage. Dans le même sens, il condamne l’attitude du fiancé qui se rendrait coupable de manœuvres mettant en péril la poursuite de ladite relation. C’est en ce sens qu’il compte engager la responsabilité du fiancé qui “ par son fait, donne à l’autre fiancé de justes motifs de la rompre” lequel peut être condamné “ à réparer le préjudice matériel et moral causé à celui-ci ainsi qu’à ses père et mère”. Toutefois la rédaction de l’article 199 ne précise pas le comportement ou le contexte potentiellement abusif de la rupture des fiançailles. La qualification de l’abus sera à l’appréciation souveraine des juges du fond tout comme il reviendra au fiancé lésé de démontrer la nature abusive de celle-ci. Ne peut par exemple faire présumer une attitude fautive qu’une situation où, quelques jours ou semaines avant la célébration du mariage, alors que toutes les dépenses ont été effectuées, les frais engagés puis les invitations envoyées, l’un des fiancés sans raisons apparentes, et de façon unilatérale, rompt la promesse de mariage.
L’évaluation du préjudice et la constatation des motifs ayant permis à l’un des fiancés de mettre un terme à la promesse de mariage sont en principe appréciées souverainement par le juge. Ces motifs peuvent prendre la forme de violences répétées, d’un penchant pour une vie dissolue, d’un comportement irresponsable…etc. Cela dit, si l’article 199 consacre cette rupture pour faute, la preuve du caractère abusif de celle-ci doit être apportée par la personne qui demande répation. C’est au fond l’idée défendue par l’article 200 du code civil qui nous enseigne que “ La preuve de la promesse de mariage et du caractère abusif de la rupture incombe à celui qui réclame des dommages-intérêts. Elle peut se faire par tout moyen “. Le législateur exclut des potentielles preuves toutes les sommes d’argent versées aux beaux-parents. Pour lui, cet argent non admis comme preuve de la promesse de mariage ne peut en définitive être restitué.
En somme, l’appréciation et la pertinence de la rupture fautive relèvent de l’appréciation des juges du fond, dont la teneur de la décision peut être fonction de sa sensibilité. Le tribunal pourra, dans l’évaluation de ce préjudice, tenir compte notamment des services rendus de part et d’autre.
Il convient toutefois de préciser qu’en dépit de la loi, des pratiques dites coutumières consacrent la conception selon laquelle la rupture serait effective de plein droit au terme des 2 ans suivant la célébration de fiançailles. Cette coutume épargne ainsi le fiancé auteur de la rupture d’une éventuelle poursuite en réparation des dommages et intérêts tout comme elle l’exempte de la traditionnelle réunion des deux familles, nécessitant des explications sur l’origine de la rupture.
Sur l’éventuelle restitution des présents d’usage
L’article 199 du code civil nous instruit en outre sur la destination des présents et autres objets de valeur au terme de la rupture. Sur cette question, la loi explique que les fiancés peuvent, en cas de rupture, réclamer les présents qu’ils se sont faits ou qu’ils ont donné à leurs beaux-parents respectifs. Elle précise aussi que “ si ces présents n’existent plus en nature, ce sera leur valeur en argent qui sera donnée à la place”. Par ailleurs, ajoute le législateur, la restitution des présents ne saurait être envisageable si la rupture est causée par la mort de l’un des fiancés. La mort étant un sort naturel duquel ne saurait émerger une présomption fautive.
Dans certaines situations se pose la question de la destination de la bague de fiançailles. Dit autrement, la fiancée doit-elle garder la bague de fiançailles à l’extinction de la promesse de mariage ?
D’ordinaire, dans la tradition gabonaise, la remise d’une bague de fiançailles à la promise n’était pas une pratique systématique. Les fiançailles, du point de vue de la société actuelle, font désormais de la bague un élément central de la promesse entre les fiancés. La rédaction lacunaire de l’article 199, lequel ne fait aucune allusion à la destination de la bague au terme des fiançailles, aurait pu faire l’objet d’une précision de la part du législateur. Ce dernier pouvant s’inspirer de la législation française en vigueur.
En principe, comme le préconise la loi française, la restitution des cadeaux à forte valeur pécuniaire comme la bague est soumise à une condition résolutoire tacite. Seules deux conditions donnent automatiquement lieu à restitution lorsque celles-ci sont cumulatives: il faut que la bague ait une valeur particulière comme un souvenir de famille, et que sa valeur excède les facultés respectives des parties. Bien que pertinente, cette pensée se heurte à la notion de l’imputabilité de la rupture telle que préconisée par le texte de l’article 199 du présent code. Les fiançailles étant une promesse morale, la rupture abusive de celle-ci viole l’engagement passé entre les fiancés. Il se déduit ainsi qu’en contrepartie de cette promesse non tenue, la fiancée trahie, qui n’a rien à se reprocher, peut légalement garder la bague.
A contrario, si cette solution a de quoi ravir les charmantes dames, lesquelles voient en cette action le moyen de noyer la frustration née d’une déconvenue sentimentale, la volonté d’une telle démarche est à notre sens dénuée de toute pertinence.
Quel intérêt gagne-t-on à garder une bague qui symbolise l’échec d’une relation ? Mieux, quel avantage peut-on tirer d’un tel geste dans l’éventualité d’une autre relation, où le futur soupirant de toute évidence, fera cadeau d’une nouvelle bague de fiançailles ?
Sur la prescription de l’action en réparation du préjudice
L’action en justice contre le fiancé ou la fiancée fautif (ve) est soumise à une durée au delà de laquelle elle est frappée de prescription. Le texte de l’article 201 du code civil précise les conditions de celle-ci : “ Les actions fondées sur les articles 198 et 199 se prescrivent par une année à compter du jour où les fiançailles ont été rompues”. Le fiancé ou la fiancée désireux (se) d’intenter une action en justice en réparation du préjudice moral né de la rupture abusive de fiançailles dispose d’une année pour engager la responsabilité de son ex-fiancé. La prescription prend effet au jour de la rupture effective des fiançailles. Toute autre action intentée, passé ce délai, sera jugée non recevable car prescrite.