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Élus aux législatives et aux locales : jusqu’où la loi autorise le cumul des mandats ?

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À l’issue du premier tour des élections législatives et alors que le second tour se profile, certains candidats pourraient se retrouver élus à la fois à l’Assemblée nationale et dans des conseils locaux. Reste à savoir ce que permet réellement la loi gabonaise : le cumul des mandats est-il possible, et si oui, à quelles conditions ?

La réponse se trouve dans le Code électoral gabonais et mérite d’être expliquée clairement, pour que chaque citoyen comprenne les règles et leurs implications.

Peut-on être élu à plusieurs scrutins en même temps ?

 La Constitution gabonaise fixe la durée du mandat législatif. L’article 76 précise que les députés sont élus pour cinq ans. Le Code électoral, quant à lui, dans son article 258, fixe à cinq ans le mandat des conseillers municipaux et départementaux. Cette synchronisation des mandats permet de planifier le renouvellement des institutions de manière coordonnée.

Il est important de noter qu’aucune disposition constitutionnelle n’interdit formellement à un citoyen de se porter candidat simultanément à plusieurs scrutins, qu’ils soient législatifs ou locaux. Autrement dit, la Constitution n’empêche pas la double candidature, mais elle ne traite pas encore du cumul effectif des mandats…

Quels mandats un député peut-il réellement cumuler ?

Le soin est donc laissé au Code électoral d’encadrer avec précision le cumul des mandats. L’article 192 dispose :

« L’exercice du mandat de député est incompatible avec les fonctions de membre du Gouvernement. Le député nommé Vice-Président de la République ou membre du Gouvernement est remplacé à l’Assemblée Nationale par son suppléant. S’il n’est plus membre du Gouvernement, il retrouve son siège de député à l’Assemblée Nationale ».

Sans que ce soit exactement le cœur de notre sujet, faisons une parenthèse. Cette disposition pose les bases et illustre l’idée derrière le principe : un député ne peut cumuler certaines fonctions exécutives avec son mandat législatif, afin d’éviter des conflits d’intérêts et de garantir la disponibilité du représentant pour ses missions parlementaires. Elle rappelle surtout que certaines fonctions, notamment au sein de l’exécutif, exigent un engagement incompatible avec le travail parlementaire.

L’article 194 répond plus explicitement à notre préoccupation, énumérant clairement les fonctions incompatibles avec le mandat parlementaire :

« Le mandat de député est incompatible avec l’exercice du mandat de sénateur ainsi qu’avec les fonctions suivantes :

  • membre de la Cour Constitutionnelle ;
  • membre de l’Autorité de Régulation de la Communication ;
  • membre du Conseil Économique, Social, Environnemental et Culturel ;
  • membre des bureaux des conseils locaux ;
  • toute autre fonction publique rémunérée autrement que par vacation ».

À première vue, cela peut laisser entendre qu’un député ne pourrait exercer aucun mandat local, mais à y regarder de plus près, ce n’est pas le cas. En effet, cette disposition interdit le cumul du mandat législatif avec la qualité de « membre des bureaux » des conseils locaux. Il y a donc une distinction subtile mais décisive à faire entre membre du bureau et simple conseiller municipal ou départemental. Le texte n’y répond pas directement, mais la réponse se déduit du Code électoral lui-même.

En effet, le Titre IV du Code électoral, relatif à l’élection des conseils locaux et des bureaux, clarifie cette question en distinguant nettement :

  • Dans le chapitre 1, l’élection des membres des conseils locaux (municipaux ou départementaux), élus au suffrage universel direct selon l’article 253;

  • Et, dans le chapitre 2, l’élection des membres des bureaux des conseils locaux (maires, adjoints, présidents, vice-présidents), élus en interne par les conseillers eux-mêmes lors de la première session du conseil, selon les articles 273 à 276.

Cette distinction est capitale : l’incompatibilité prévue par l’article 194 ne concerne que les fonctions exécutives ou de direction dans le conseil local. Un simple conseiller municipal ou départemental, sans rôle dans le bureau, n’est pas empêché par la loi de cumuler ce mandat avec celui de député.

Autrement dit, la loi n’interdit pas systématiquement le cumul entre législatif et local ; elle interdit seulement le cumul lorsque le mandat local implique une fonction exécutive, décisionnelle ou de gestion.

Ainsi, si au terme du second tour des élections législatives un candidat vainqueur est également élu aux élections locales, celui-ci devra faire un choix sur le mandat à exercer uniquement s’il occupe un poste de direction dans le bureau du conseil local. S’il n’est que simple conseiller municipal ou départemental, il pourra cumuler son mandat législatif et local.

Cette règle n’est pas une simple formalité : elle garantit que chaque élu puisse se consacrer pleinement à son rôle. Un député a des obligations lourdes, telles que la participation aux commissions, le vote des lois, le contrôle de l’action du Gouvernement et l’évaluation des politiques publiques. Ces missions nécessitent temps et disponibilité, ce qui serait incompatible avec la présence simultanée dans les conseils locaux, où il faut suivre les projets municipaux, participer aux délibérations et gérer le budget communal. La loi interdit donc le cumul pour protéger à la fois l’efficacité de l’action publique et l’intérêt des citoyens.

Que se passe-t-il lorsqu’un élu cumule mandat législatif et fonction exécutive locale ? 

Le cumul de mandats peut créer des tensions entre les obligations locales et nationales. Un député doit participer aux sessions de l’Assemblée, voter les lois et contrôler l’action du Gouvernement. Un membre d’un bureau local, comme un maire ou un président de conseil départemental, doit en parallèle gérer le fonctionnement de la collectivité, suivre le budget et prendre des décisions exécutives.

L’interdiction du cumul pour ces fonctions précises a donc une raison pratique et politique : elle garantit que chaque élu puisse consacrer le temps et l’énergie nécessaires à ses responsabilités exécutives, et évite tout conflit d’intérêt entre la politique nationale et la gestion locale.

En revanche, si l’article 194 du Code électoral pose le principe du non-cumul du mandat législatif avec certains mandats de direction, ce texte ne va pas plus loin et ne précise pas dans quel sens le candidat multipotentiel doit orienter son choix. L’article énonce :

« Le mandat de député est incompatible avec l’exercice du mandat de sénateur ainsi qu’avec les fonctions suivantes :

  • membre de la Cour Constitutionnelle ;
  • membre de l’Autorité de Régulation de la Communication ;
  • membre du Conseil Économique, Social, Environnemental et Culturel ;
  • membre des bureaux des conseils locaux ;
  • toute autre fonction publique rémunérée autrement que par vacation ».

Le texte fixe donc l’interdiction, mais ne dit pas explicitement si, dans le cas d’une double élection simultanée, le candidat doit privilégier le mandat législatif ou le mandat local. On peut préciser que dans d’autres systèmes, la loi oriente ce choix lorsqu’un élu cumule un nouveau mandat avec un mandat déjà existant ; la règle y impose généralement de laisser l’ancien mandat pour se consacrer au nouveau, ce qui est logique . En effet, si l’élu se présente à un nouveau scrutin alors qu’il détient déjà un mandat, on déduit qu’il a l’intention de délaisser l’existant s’il est élu.

Ici, la situation est différente : le candidat brigue les deux mandats en même temps, lors d’élections jumelées. La loi gabonaise ne prévoit aucun mécanisme d’arbitrage automatique. Le choix du mandat à exercer reste donc entièrement à la discrétion de l’élu, qui doit décider en tenant compte de ses engagements, de ses priorités et de l’intérêt des collectivités qu’il représente.

Que retenir ? 

En résumé, la loi gabonaise distingue clairement la double candidature et le cumul effectif des mandats. Si rien n’interdit à un citoyen de se porter candidat à plusieurs élections, le Code électoral impose une incompatibilité stricte entre le mandat parlementaire et les fonctions locales exécutives. Un élu qui remporterait à la fois un siège à l’Assemblée nationale et un mandat de membre du bureau d’un conseil local devra choisir quel mandat exercer.

Pour les simples conseillers municipaux ou départementaux, le cumul reste possible, mais si l’élu choisit de rester député et renonce à sa fonction exécutive locale (donc membre du bureau), sa place dans le bureau du conseil local devient vacante. La loi ne précise pas qui pourvoit ce poste, ce qui implique que les conseillers locaux procéderont à l’élection d’un nouveau membre du bureau conformément aux articles 273 à 276 du Code électoral.

Cette règle, technique en apparence, protège l’efficacité du travail des élus, garantit la séparation des responsabilités entre le niveau national et le niveau local, et prévient les conflits d’intérêts. Pour les électeurs, connaître ces règles est essentiel pour comprendre les conséquences post-électorales et suivre l’action de leurs représentants en toute connaissance de cause.

Ecrit par :
Terence Asseko Akoma

Elève-Avocat à l'Ecole de Formation des Barreaux de la cour d'appel de Paris (EFB) Droit immobilier et droit des affaires Co-fondateur de Que Dit La Loi

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