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Le député au Gabon : que peut-il vraiment faire ?

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À quelques jours des élections législatives prévues le 27 septembre 2025, et alors que la campagne électorale a officiellement débuté le 17 septembre, il est légitime de se demander : que peut vraiment faire un député ?

À mesure que les candidats multiplient leurs prises de parole, nos oreilles sifflent parfois d’entendre certains promettre de régler, d’un claquement de doigts, tous les problèmes du pays. Les promesses de campagne ressemblent alors à une véritable chasse à l’électorat, chaque candidat usant de tout son pouvoir de séduction pour attirer les voix, quitte à confondre marketing politique et réalité juridique et/ou politique.

Pourtant, le mandat et le rôle d’un député sont strictement définis et limités par la loi. Connaître ces limites permet aux citoyens de juger leurs représentants sur ce qu’ils peuvent réellement accomplir et d’éviter toute confusion entre espérance, séduction et cadre légal.

L’objectif de cet article n’est pas de pointer du doigt les candidats, mais d’aider les électeurs à comprendre les capacités réelles d’un député et à faire des choix éclairés.

I – Le député, incarnation de la Nation

Au Gabon, les députés sont élus au suffrage universel direct dans des circonscriptions géographiques précises. Cependant, une fois leur mandat commencé, ils représentent la Nation tout entière et non seulement les habitants de la circonscription qui l’ont élus.

En effet l’article 90 de la Constitution gabonaise rappelle explicitement : « Chaque parlementaire est le représentant de la Nation toute entière ». Ce principe implique que, même si un député est élu dans un territoire donné, ses décisions doivent toujours viser l’intérêt général et non répondre exclusivement à des demandes locales ou à des pressions partisanes. C’est une sorte de ligne de conduite imposée par la Constitution, qui s’apparente à une déontologie du mandat parlementaire, même si, en pratique, beaucoup peinent à s’y conformer.

L’article 3 de la Constitution souligne également que « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce directement, par le référendum ou par l’élection, selon le principe de la démocratie pluraliste et indirectement par les institutions », le député agit dans le cadre d’un mandat national, même lorsqu’il a été élu localement. Il doit écouter et relayer les préoccupations de ses électeurs, mais toujours dans le respect de l’intérêt général.

Le mandat des députés est fixé à cinq ans conformément à l’article 76 de la Constitution gabonaise. Cette durée, stable et prévisible, assure à la fois la continuité des missions législatives et un contrôle régulier par le corps électoral. Elle confère également aux députés un cadre temporel pour planifier leur action législative et évaluer l’impact de leur travail.

II – Le député législateur

La mission principale d’un député est celle de législateur, comme le prévoit l’article 79 de la Constitution gabonaise :

« Le Parlement vote la loi, consent l’impôt, contrôle l’action du Gouvernement et évalue les politiques publiques dans les conditions prévues par la présente Constitution. »

Cette disposition établit clairement que l’élaboration et l’adoption des lois sont au cœur du mandat du député.

Cette fonction législative est ensuite précisée par les articles 100 à 108 de la Constitution, desquels nous comprenons que le député ne se contente pas de voter la loi, il participe à toutes les étapes de sa construction, proposition, discussions en commission, amendements, vote en plénière, et, si nécessaire, arbitrage en cas de désaccord entre les Chambres du parlement. Cette démarche structurée garantit que le processus législatif soit à la fois rigoureux, transparent et conforme à la Constitution.

Lorsqu’un projet ou une proposition de loi est soumis à l’Assemblée Nationale, il est d’abord examiné par la commission compétente. Cette phase est cruciale : chaque article du texte est étudié, ses conséquences sont évaluées et des amendements peuvent être proposés pour améliorer ou corriger le texte. Le député peut ainsi défendre l’intérêt général tout en représentant la perspective de ses électeurs, sans excéder ses compétences légales.

Une fois la commission terminée, le texte est présenté en séance plénière. Les députés prennent la parole, discutent et votent dans un cadre strictement défini par la Constitution.

III – Le député, contrôleur de l’action du Gouvernement

Le rôle du député ne se limite pas à sa seule fonction législative. Il exerce également un rôle fondamental de contrôle sur l’action du Gouvernement, rôle qui est expressément prévu par la Constitution. L’article 79 dispose en effet que le Parlement :

« […] contrôle l’action du Gouvernement et évalue les politiques publiques dans les conditions prévues par la présente Constitution. »

Cette disposition établit clairement que le contrôle du Gouvernement fait partie intégrante de l’action du député, membre du parlement.

Pour mettre en œuvre ce contrôle, il dispose de divers moyens précisés par l’article 80 de la Constitution :

  • Adresser au Gouvernement des interpellations ;
  • Poser des questions écrites ou orales ;
  • Soumettre des questions d’actualité ;
  • Et initier des commissions d’enquête, de contrôle et d’évaluation.

Ces instruments permettent aux députés de s’informer de manière détaillée sur la gestion des affaires publiques, de vérifier l’utilisation des fonds publics et d’évaluer la pertinence des politiques mises en œuvre.

L’article 81 complète ce dispositif en précisant que le Vice-Président du Gouvernement et les autres membres du Gouvernement sont tenus de répondre aux interpellations devant la Chambre concernée, et que cette dernière peut adopter des résolutions formulant des recommandations au Président de la République.

De plus, l’article 82 impose qu’une séance par mois, au moins, soit réservée aux questions des parlementaires, avec la possibilité d’organiser des séances supplémentaires pour les questions d’actualité, y compris lors de sessions extraordinaires. L’exécutif est tenu de fournir tous les éléments d’information demandés, ce qui garantit un contrôle effectif et continu.

IV – Les limites du mandat

Bien comprendre le rôle d’un député c’est également se rappeler de ce qu’il ne peut pas faire. Contrairement à certaines idées reçues, le député ne peut :

  • Distribuer directement des subventions aux citoyens ;
  • Promettre, à titre personnel, de régler des dossiers comme le paiement des bourses aux étudiants à l’étranger;
  • Financer ou construire des infrastructures locales de sa propre initiative ;
  • Modifier des décisions administratives ou municipales.

Ces compétences relèvent strictement de l’exécutif ou des autorités locales, car l’article 94 de la Constitution gabonaise définit le domaine de la loi (c’est-à-dire le champ d’action du Parlement) et encadre précisément les attributions des parlementaires. Autrement dit, tout ce qui n’est pas mentionné dans cet article ne peut pas être décidé directement par un député, ou collectivement par le Parlement.

Pour que ce soit concret, pendant cette campagne, on entend des candidats aux législatives promettre des actions impossibles : construire un hôpital en six mois, ouvrir immédiatement des écoles ou des services de transport public, distribuer des aides financières directes à chaque foyer, ou même infléchir la position de l’Etat sur la question des bourses aux étudiants à l’étranger. Ces promesses traduisent soit une méconnaissance du rôle réel pour lequel le candidat sollicite qu’on l’élise, soit une tentative délibérée de séduction électorale.

En réalité, le député peut déposer une proposition de loi ou interpeller le Gouvernement pour qu’une initiative soit étudiée, qu’il s’agisse d’hôpitaux, d’écoles, de routes ou d’autres services essentiels. Il participe également au vote de la loi de finances, qui répartit les crédits de l’État entre ministères et programmes publics, mais il ne peut jamais décider lui‑même de l’affectation concrète de ces fonds ni en assurer l’exécution. Dans le cadre de son rôle de contrôle, il peut poser des questions au Gouvernement pour savoir quelles mesures il prévoit de prendre face à une situation particulière et suivre la mise en œuvre des politiques publiques.

Ainsi, que ce soit pour l’aménagement urbain, l’ouverture de services publics locaux ou la gestion directe des collectivités, le député ne décide pas directement, mais exerce un contrôle parlementaire indirect par ses questions et votes sur le budget.

À cela s’ajoute une réalité politique souvent négligée dans le discours électoral : un député n’agit jamais seul. Sa capacité à faire avancer une proposition dépend des rapports de force au sein de l’Assemblée Nationale, des alliances construites et, dans bien des cas, de la volonté de l’Exécutif qui fixe une large part de l’agenda parlementaire. Ainsi, même lorsqu’une initiative relève bien du champ d’action du député, sa concrétisation nécessite le soutien d’une majorité et la volonté du Gouvernement d’accompagner ou de relayer l’initiative. Les promesses spectaculaires faites en campagne oublient trop souvent cette dimension, donnant l’illusion qu’un député pourrait imposer ses choix par sa seule volonté.

Cette distinction entre ce que peut réellement faire un député et ce qui relève de l’exécutif est essentielle : elle permet aux citoyens de juger leurs représentants sur des bases réalistes et de ne pas confondre annonces de campagne et capacités réelles.

Pour résumer, le député gabonais exerce un mandat clair, strictement encadré par la loi. Il est avant tout législateur et contrôleur de l’exécutif, chargé de proposer et de voter les lois, d’assurer le respect de la Constitution et de vérifier que le Gouvernement agit conformément à la loi. Connaître ces missions et leurs limites permet de distinguer les promesses farfelues des pouvoirs réels du député.

Une population informée n’est pas seulement un électorat : c’est le moteur d’une démocratie plus lucide, plus exigeante et véritablement responsable.

Ecrit par :
Terence Asseko Akoma

Elève-Avocat à l'Ecole de Formation des Barreaux de la cour d'appel de Paris (EFB) Droit immobilier et droit des affaires Co-fondateur de Que Dit La Loi

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