« Nul n’est censé ignorer la loi », cet adage, fonde la trame de « Que Dit La Loi » (QDLL). Loin d’être un slogan, c’est d’abord et avant tout un appel au respect des principes Fondamentaux de l’Etat de droit, corolaire immédiat de l’Egalité devant la Loi et de l’indépendance de la Justice. C’est dans cet élan d’accès au droit qui d’ailleurs est un des objectifs du Millénaire, que Monsieur LECKAT créa avec d’autres concitoyens le site, ou plutôt, l’entité QDLL.
Véritable plate-forme de connaissance et de vulgarisation du droit, le site décrypte avec sobriété des faits marquants de la scène politique et juridique Gabonaise. Bien entendu, la liberté d’expression, que dis-je, de ton, en est le mot d’ordre.
Quoi de plus normal, car, à bien des égards, la Constitution nous l’accorde au visa de l’article 11 de la Déclaration des Droit de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des Droits les plus précieux de l’Homme. Tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre à l’abus de cette liberté dans les cas déterminé par loi » Or, cette activité accessoire, pour Sieur LECKAT vient de lui faire valoir, un licenciement, pour faute lourde (excusez du peu), de la part de son employeur, Le Cabinet Jules OBIANG.
Ce licenciement nous interpelle, tant la procédure suivie et les motifs invoqués pour l’appuyer sont empreints d’imperfections et enguirlandés d’incompréhensions. L’idée d’une exposition de motifs fallacieux, d’atteinte aux libertés individuelles du concerné et même, soyons audacieux, d’une intention manifeste de le nuire fulmine dans notre esprit.
L’occasion pour nous de faire la lumière sur cette affaire et d’apprécier en toute objectivité, ce licenciement aux contours problématiques.
L’article 50 du Code dudit Code dispose : « Le licenciement est la résiliation du contrat de travail qui résulte d’une initiative de l’employeur ». Cet acte fait partie intégrante des pouvoirs de direction du patron.
Le licenciement ainsi évoqué, peut admettre deux démembrements, à savoir en amont pour des justifications d’ordre économique et en aval pour des motifs personnels. Ici, la raison principalement évoquée, voire exclusivement retenue, sera celle de la faute de l’employeur.
Il convient ainsi, de nous pencher avec minutie, sur les griefs qui sont reprochés au jeune juriste mais également sur les motifs en conséquence desquelles, ce licenciement a été prononcé.
Quid du licenciement d’un salarié sur la base de motifs ayant traits à sa vie privée et aux libertés individuelles ?
Au regard de la législation en vigueur en République gabonaise encadrant les relations de travail entre travailleurs et employeurs, la procédure suivie pour résilier le contrat de Monsieur LECKAT est celle du licenciement pour motif personnel. Licenciement prévu par la Loi n°3/94 du 21 novembre 1994 portant Code du travail, modifiée par la loi n°12/2000 du 12 octobre 2000 aux articles 51 à 55.
Le licenciement pour motif personnel peut être mis en œuvre pour des mobiles touchant directement la personne du salarié, en l’occurrence son caractère, ses compétences ou ses facultés. Et l’article 50.a de disposer, « …le motif personnel peut tenir à l’inaptitude physique ou professionnelle du salarié, ou à son comportement fautif… ».
Nous y sommes, la faute, il est question de cela essentiellement dans le cadre des moyens retenus par le Cabinet Jules OBIANG pour soutenir son acte. Or, la faute dont il est fait mention ici est en rapport avec la vie privée du salarié, donc totalement aux antipodes de sa vie professionnelle.
En effet, il est reproché à Monsieur LECKAT ses « collaborations et publications dans des médias », des activités certes engagées, mais accessoires à la profession qu’il exerce.
Obiter dictum, c’est la liberté de ton, d’opinion et d’expression de Monsieur LECKAT qui lui a valu ce licenciement. Une chose inconcevable compte tenu du fait que la Constitution de notre pays, tout en rappelant l’attachement de l’Etat aux différentes conventions en matière de droits et libertés fondamentaux (ratifiés), proclame la consécration de la « La Liberté de conscience, de pensée, d’opinion, d’expression, de communication (…) » cf Article 1er Al.2.
C’est un axiome que tout au long de ses heures de travail, le salarié est sous la subordination de son employeur. Ce qui dans la logique suppose une assiduité vis-à-vis du règlement intérieur de l’entreprise (et éventuellement du code déontologie) et une obédience hiérarchique. Seulement à côté de cela, le salarié à une vie, laquelle selon la doctrine, dépasse de loin le simple cadre de la vie privée, car, même les activités à caractère publique peuvent y être inclus (c’est le cas des mandats syndicaux ou encore des associations).
Il est admis que certaines professions, du fait de la sensibilité des informations, imposent à leurs salariés certaines restrictions, le cas d’un Cabinet d’ Avocat.
Ceci étant, l’employeur n’est pas en droit de contraindre son travailleur à des restrictions en dehors de son lieu de travail, mais encore des horaires y afférentes. D’où la nécessaire indépendance entre vie privée et vie professionnelle, principe si chère à la jurisprudence Française de ces dernières années, « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché » (C. trav. art. L. 120-2).
La nuance pour la carrière d’avocat mérite d’être soulignée, certes, il en est ainsi. Seulement faudrait-il aller à l’encontre des droits et libertés fondamentaux ?
Monsieur LECKAT, postulant à la profession d’avocat ou juriste junior ? Employé au Cabinet Jules Obiang, compte tenu de son secteur d’activité est lié par la confidentialité, laquelle n’est pas expressément prévue, le secret professionnelle ou encore la loyauté vis-à-vis de son employeur également. Les informations auxquelles il accède pendant ces heures de travail, ne peuvent en aucun cas être exploitées, ni communiquées à des fins personnelles. D’ailleurs, il en ressort du procès-verbal qu’à la question de savoir si les activités de QDLL se pratiquaient pendant les horaires de travail, le non est catégorique. Les libertés individuelles de Monsieur LECKAT s’exercent dès lors, sous la bannière du respect des règles régissant les bons rapports entre l’employeur et le salarié. Il a un devoir de réserve.
Or, en aucun cas, les publications et activités de Monsieur LECKAT ne remettent en cause son devoir de réserve vis-à-vis de son activité professionnelle, mais également des dossiers traités. A croire, la lettre de licenciement qui lui fut remise le 03 Décembre 2015, le Blog « QueDitLaLoi » est un véritable Athanor en ébullition qu’il faut à tout prix éteindre. Pourtant, l’apport du site ne s’inscrit que dans le sens de l’adage nul n’est censé ignorer la loi, c’est-à-dire poser les jalons du droit et son accès à tous.
De ce qu’il précède, nous retenons que l’action du Cabinet Jules Obiang s’inscrit simplement dans une démarche visant à priver un de ses salariés de ses droits inaliénables et individuels. Pour cela, des motifs fallacieux et injustifiés sont soulevés, sans que ces derniers ne soient fondés. Pour l’attester, étudions les faits.
Sur les motifs et l’entretien préalable
L’entretien préalable à un licenciement répond à une procédure, fondant sa légalité et sa conformité sur des textes en vigueur. L’article 51 du Code visé révèle en substance que « l’entretien préalable ne peut avoir lieu moins de 5 jours, ouvrables, après de la présentation de la lettre recommandée de convocation ou remise en main propre ».
En l’espèce, Monsieur LECKAT recevra, le 27 novembre 2015, une lettre lui notifiant de ce qu’il était envisagé à son encontre une mesure de licenciement pour faute, en raison de ses « collaborations et publications dans les médias ». Cette dernière indiquait, en outre, la date, l’heure et le lieu de l’entretien : Soit le Jeudi 3 décembre 2015 à 10h00.
Le lundi 30 Novembre 2015, l’intéressé recevra une seconde lettre au travers de laquelle, les motifs et l’heure de l’entretien seront modifiés. Si cette seconde convocation, maintient le motif précédemment allégué, elle apporte des précisions quant à ce dernier. Ainsi, le cabinet Jules Obiang, évoque un « …un article relatif à la Saisine de la Cour Constitutionnelle par la barreau ». L’entretien aura finalement lieu le jour même de la réception de la seconde lettre.
De prime abord, on pourrait penser que le Cabinet Jules Obiang, viole l’article 51 du Code du Travail, lequel recommande 5 jours avant la tenue de l’entretien préalable. En principe non, car l’article 54 du même code nous apprend que « Sans déroger à l’obligation de l’entretien, les délais prévus aux articles 51 et suivants pourront être ramenés à 24h en cas de faute lourde ». La faute lourde est bien celle reprochée à Sieur LECKAT.
Poursuivons : Le code du Travail évoque en son article 51 la possibilité pour l’employeur de faire assister par un dirigeant et le salarié de se faire représenter ou assister par un autre salarié ou un syndicat auquel il serait affilié. Cette possibilité de se faire représenter doit être rappelée, par l’employeur dans sa lettre de licenciement, article 51 alinéa 2 du Code « la convocation à l’entretien, qui émane de l’employeur… précise au salarié, la possibilité pour le salarié de se faire assister et éventuellement se faire représenter par une personne de son choix.. ». Au moment de l’entretien, la personne désignée par Harold LECKAT est la même personne sur laquelle l’employeur décide de porter son choix pour le représenter. Première entorse à la loi.
Subséquemment, si la lettre de l’article 54 nous édifie sur l’éventualité de ramener à 24h, le date de l’entretien préalable, elle ne manque pas de préciser qu’en cas de faute lourde « …les délégués du personnels prendront obligatoirement part à l’entretien ». A la lecture de cet article, un mot fait tilt dans nos neurones, « obligatoire », comme pour dire nécessaire, indispensable, impératif.
Ainsi donc, l’article 54 impose, pour la faute lourde, la présence des délégués du personnel. Or, au cours dudit entretien, la seule représente est une salarié de l’entreprise qui à la lecture du procès verbal n’a pas véritablement défendu celui qu’elle représentait. L’on peut notamment justifier cette attitude par le rapport hiérarchique.
Si la loi autorise le licenciement, elle l’encadre de manière très stricte par le biais d’une procédure qui se doit d’être rigoureusement respectée.
En décidant, de façon péremptoire, de fixer la date de l’entretien au jour de la remise de la lettre, omettant de ce fait, l’impérieuse nécessité de la présence des délégués du personnel, l’employeur, du reste avocat confirmé, viole les textes susvisés et se rend coupable d’un vice de procédure, qu’il n’est sensé ignorer. C’est à ce moment que l’article 55 du Code du Travail prend tout son relief, « l’employeur qui aura violé une de ces règles procédurales sera condamné à verser au salarié licencié une indemnité égale à trois mois de salaire ». Au législateur de renchérir « cette condamnation, peut se cumuler avec celle qui serait prononcée en raison du caractère abusif du licenciement ». Dura lex, Sed lex, dure est la loi mais c’est loi. Elle s’impose dans toute sa rigueur, et cet employeur, ne saurait l’ignorer.
Dans le même sens, la seule personne présente en qualité d’assistant, est une juriste issue du cabinet, duquel découle la procédure de licenciement. Juriste assujettie au lien de subordination du même avocat, employeur et initiateur de la procédure.
Une telle représentation ne saurait être juste, compte tenu du statut de la salarié. Un statut qui en réalité, ne saurait se départir du lien hiérarchique avec l’avocat de manière à exprimer indépendamment ses observations quant audit licenciement. Lequel pourrait s’avérer injuste à ses yeux, mais qu’elle s’interdira d’aviser de peur de fragiliser sa position au sein du cabinet. Là encore la procédure est parée de manquement.
Non content de restreindre les libertés individuelles d’autrui, savamment consacrés, mais également de priver son employé, de ses droits en érigeant une « faute lourde » fantasque et chimérique, le Cabinet Jules Obiang se permet de bâcler, expédier et violer une procédure qu’il doit d’ordinaire garantir et maitriser.
Du haut de sa qualité d’avocat, est-ce une méconnaissance légale, ou une volonté délibérée ? La thèse première est à peine de crédibilité.
Quid de la faute lourde ?
Pour licencier, il est nécessaire que la cause soit réelle et sérieuse : de la faute lourde évoquée par le Cabinet Jules Obiang
Pour justifier la supposée « faute lourde » dont Monsieur LECKAT aurait commise dans le cadre de son emploi, on est bien loin après décryptage de la lettre de licenciement d’un exposé tatillon des moyens.
Le licenciement de Monsieur LECKAT est prononcé sur la base d’une faute lourde retenue à son encontre pour ses activités accessoires comme blogueur. Activité qui à la lecture du procès-verbal apparaît comme étant connu de l’employeur qui affirme qu’il a revu le CV a bien constaté que le site était bien juridique et politique.
La lettre de Maître Obiang est précise « je vous informe par conséquent, de ma décision de vous licencier pour faute lourde »
Dans le sillage des ruptures de contrat pour motifs disciplinaires, il s’avère que la faute lourde constitue l’un des échelons les plus élevé – si ce n’est le plus élevé.
On considère qu’i y’a faute lourde, d’après la jurisprudence Française, dont celle du Gabon est tributaire, lorsque deux éléments sont cumulés :
- Une faute d’une exceptionnelle gravité ;
- Une intention avérée de nuire à son entreprise (entendre employeur).
La Cour de Cassation française retient d’ailleurs que « la faute lourde est celle commise avec intention de nuire à l’employeur ou à l’entreprise » (Cass. soc. 9 juillet 1991, n° 89-41.890)
Dans le cas d’espèce, il est difficile d’envisager ou d’entrevoir le caractère exceptionnel ou la gravité de la faute, encore moins la visée de porter préjudice à son employeur de la part du salarié.
La logique Jules OBIANG tendrait donc à apprécier comme faute d’une exceptionnelle gravité, doublée d’une intention de nuire, le fait de publier et collaborer dans des médias. Quelle hérésie !
Quelle serait donc la faute d’une exceptionnelle gravité ? Par quoi lirait-on ainsi l’intention de nuire vu que les informations utilisées et publiée ne sont pas strictement confidentielles au cabinet ?
De toute évidence , il s’agit ni plus ni moins d’allégations saugrenues, frêles, et faites de motifs infirmes tendant plus à une volonté manifeste de restreindre les droits individuels inhérents à la personne de Monsieur LECKAT.
D’emblée, en aucun cas, les agissements de sieur LECKAT ne peuvent justifier le moyen d’une faute lourde. Quand bien même, la faute existerait, il aurait été opportun d’interpeller le concerné, et au demeurant lui imposer des mesures disciplinaires (blâme, avertissement).
Tel a d’ailleurs été le point de vue exprimer par la collègue de Monsieur LECKAT (Elle aussi postulante à la profession d’Avocat) assistant à l’entretien préalable de licenciement tenu le 30 Novembre. Cette dernière, déclara « Au vu des articles manifestement maladroits qui ont été publiés par mon collègue, pourquoi ne pas l’avoir repris sur le fait que ces articles violaient les règles de la déontologie et dans un deuxième temps sanctionner cet écart pas une mesure disciplinaire ». Sans équivoque, ces propos montrent bel et bien l’excès dans la décision de l’employeur.
Aussi, il est important de relever que dans le cadre de la faute lourde, l’intention de nuire à l’employeur ou à l’entreprise, critère déterminant s’apprécie indépendamment de la gravité des faits reprochés.
Il n’existe pas de catalogue de fautes lourdes, mais des exemples tirés de la jurisprudence Française.
Ainsi, la Cour de cassation a pu juger que constituaient une faute lourde les comportements suivants :
- Le fait, pour une secrétaire, de détourner des chèques établis au nom de l’employeur en masquant ces opérations frauduleuses par de faux enregistrements comptables ;
- Les actes d’un salarié favorisant une entreprise concurrente dans laquelle son épouse avait des intérêts, en mettant à sa disposition du personnel et du matériel de sa propre société ;
- Les détournements et la revente illicite de carburant de la part d’un directeur, ces malversations ayant été commises au préjudice de son employeur ;
- Le dénigrement de l’employeur pour inciter les clients à s’adresser à une autre entreprise.
En aucun cas, les articles du blog n’entachent la renommée du cabinet. L’article dont il est fait mention, sur la saisine par le Barreau de la Cour Constitutionnelle n’avait pour objet que d’interpeller et d’exprimer une opinion sur la base d’éléments purement formels, probants et effectifs .Somme toute, quels que soient les faits reprochés au salarié, le véritable enjeu pour l’employeur avant d’opter pour ce moyen est de s’assurer que l’intention de nuire est bel et bien présente.
Par voie de conséquence, la charge de la preuve incombe à l’employeur. Ce dernier ne peut se prémunir d’un simple énoncé de raisons, sans les justifier, ni les soutenir. Le courrier de licenciement doit pouvoir renseigner à cet effet sur :
- l’existence matérielle des faits reprochés,
- leur incidence grave pour le bon fonctionnement de l’entreprise,
- le caractère intentionnel de la faute du salarié.
Un vide juridique qui prive évidemment la lettre de licenciement de toute bonne foi. Un vide juridique révélateur d’une procédure à la va-comme-je-te-pousse animée par des raisons dont le caractère réel et sérieux souffrent d’une carence criarde de cohérence.
Pharel-Stecy BOUKIKA
Arnold Ted MATEBA